Le développement du mécénat de compétences constitue la 25ème des 50 propositions formulées par le député F.Vercamer dans son rapport d’avril 2010 sur l’économie sociale et solidaire (ESS). Faut-il voir dans ce numéro le signe que le pro bono, c’est-à-dire les services rendus gracieusement par des volontaires aux associations, est l’un des enjeux centraux du développement de l’ESS ? L’attribution de ce numéro est certainement liée au hasard, mais si cette coïncidence n’en était pas une, elle n’en serait pas dénuée de sens.
Dans le fameux rapport Vercamer, de son vrai nom «L’Economie Sociale et Solidaire, entreprendre autrement pour la croissance et l’emploi»[1], le pro bono des salariés d’entreprise (ou mécénat de compétences), figure en bonne place. Il fait en effet l’objet d’une proposition :
Proposition n° 25 : Encourager le mécénat au profit de l’économie sociale en faisant produire au mécénat de compétences tous ses effets.
Cette proposition comporte deux axes. Le premier, c’est de mieux informer les entreprises sur la loi relative au mécénat de compétences, et notamment sur l’avantage fiscal qu’elle accorde aux entreprises qui le pratiquent. Le deuxième, c’est d’augmenter le plafond de cet avantage fiscal, qui n’est actuellement pas assez significatif pour les petites entreprises.
Ces deux axes vont dans le bon sens. Effectivement, peu d’entreprises savent que la Loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations[2] leur permet de déduire 60% de leurs dons[3] sur l’impôt des sociétés, dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaires. Or qui ne voudrait pas payer moins d’impôts ? Encore faut-il savoir comment, d’où la nécessité de communiquer sur ce dispositif. Par ailleurs, comme le souligne très justement le rapport, ce plafond «qui est normal s’agissant d’une grande entreprise ou d’une grosse PME, écarte en pratique du dispositif toutes les petites entreprises. Ainsi une entreprise faisant un chiffre d’affaires de 1 million d’euros ne pourrait apporter sous la forme du mécénat de compétences que la valeur de 5000 euros.» La proposition de laisser le choix à l’entreprise entre le plafond de 0,5% du chiffre d’affaires et un plafond en volume (à déterminer) semble donc tout à fait pertinente, d’autant plus que les missions pro bono sont réalisées à un niveau local pour une efficacité maximale. Elles s’adressent donc tout autant aux petites entreprises, dont les interactions avec ses parties prenantes (employés, clients, fournisseurs, population, pouvoirs publics) sont principalement locales, qu’aux moyennes ou aux plus grandes.
Cependant, cette proposition ne doit pas faire oublier que la fiscalité n’est qu’un des outils pour développer le pro bono. Certes, c’est un premier pas, qui a l’immense mérite d’attirer l’attention des entreprises : la fiscalité, c’est sérieux et c’est concret – des monnaies sonnantes et trébuchantes sont en jeu tout de même – donc cela vaut la peine d’étudier le sujet. Une fois penchées dessus, les entreprises se rendront compte, et certaines s’en sont déjà rendu compte, que l’avantage fiscal est en fait l’un des bénéfices les moins importants du pro bono – si ce n’est le moindre. Impliquer ses collaborateurs sur des missions d’intérêt général auprès d’associations procure de nombreux bénéfices à l’entreprise, dont certains sont très remarquables, comme la fierté des collaborateurs et la satisfaction au travail.
En effet, l’étude menée par Deloitte[4] au mois de février dernier auprès de salariés âgés de 21 à 35 ans (les Millenials) montre notamment que ceux qui s’engagent dans une activité pro bono sont 53% plus nombreux à se déclarer fiers de travailler pour leur entreprise que ceux qui ne s’engagent pas. Le lien entre participation à un programme pro bono et fierté d’appartenance à l’entreprise est ainsi établi, mais l’étude ne dit pas s’il s’agit d’une relation de cause à effet. Ces jeunes peuvent s’engager en tant que volontaires pour des associations parce qu’ils sont fiers d’appartenir à leur entreprise. Cela pourrait certainement être vérifié pour certains d’entre eux, voire pour une bonne partie d’entre eux, mais cela étant, cette relation n’interdit pas une relation en sens inverse. Cette dernière, qui place l’engagement pro bono de l’entreprise comme cause, n’est certes pas démontrée, mais un autre résultat de l’étude en constitue un solide argument : 70% des salariés interrogés indiquent préférer un poste dans une entreprise qui est socialement engagée que dans une entreprise qui ne l’est pas, toutes choses égales par ailleurs. Ainsi, cette étude, sans le démontrer, suggère fortement que l’engagement des jeunes salariés dans un programme pro bono entraîne chez eux une fierté plus forte d’appartenance à l’entreprise. Et qui dit collaborateurs fiers d’appartenir à leur entreprise dit moins de départs, donc rétention des compétences, dit motivation au travail plus grande, donc ambiance favorable au travail de qualité.
Informer les entreprises sur l’avantage fiscal lié au mécénat de compétences et rendre cet avantage significatif pour les petites entreprises est une orientation qui ne peut qu’être favorable au mécénat de compétences. Elle doit être un tremplin pour faire découvrir tous les autres bénéfices du pro bono pour les entreprises.
[1] Rapport sur l’Economie Sociale et Solidaire, « L’Economie Sociale et Solidaire, entreprendre autrement pour la croissance et l’emploi», Francis Vercamer, Avril 2010. http://www.solidarite.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Complet_Vercamer-2.pdf[2] Loi n°2003-709 du 1 août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000791289dateTexte
et Instruction fiscale 4 C-5-04 N° 112 du 13 juillet 2004 : frais et charges, mesures en faveur du mécénat, versements effectués au profit d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général. http://www11.minefi.gouv.fr/boi/boi2004/4fepub/textes/4c504/4c504.htm
[3] Documentation de base 4 C 711. http://doc.impots.gouv.fr
[4] 2011 Deloitte Volunteer IMPACT Survey http://www.deloitte.com/assets/Dcom-UnitedStates/Local%20Assets/Documents/us_2011DeloitteVolunteerIMPACTSurvey_ExecutiveSummary_060311.pdf