Il existe plusieurs moyens de soutenir une cause sociale et d’agir pour l’intérêt général (bénévolat, dons, mécénat de compétences…), et l’investissement social en est un. Mais que faut-il concrètement entendre derrière le terme d’investissement social : financement d’un projet associatif, soutien à un entrepreneur social, gestion d’un portefeuille d’actifs estampillés « responsables », micro-finance… ? Quels en sont les avantages pour les parties prenantes et quels sont les écueils à éviter avant de se tourner vers ce mode de financement? Un tour d’horizon s’impose pour mieux cerner cette nouvelle branche de la finance, bien loin de la philanthropie.
Définition et objectifs de l’investissement social
Comme pour beaucoup de concepts récents liés au champ de la RSE (Responsabilité Sociale ou Sociétale des Entreprises), il n’existe pas de définition universelle de l’investissement social, et celui-ci recouvre des pratiques variées. Abigail Noble, chercheuse à la Fondation Schwab pour l’Entreprenariat Social nous livre une première clé de compréhension : «L’investissement social permet d’apporter du capital à des organisations œuvrant en faveur du changement social, de façon pragmatique par rapport aux impératifs des acteurs économiques.». Quelle que soit la forme de l’engagement, on comprend bien que l’investissement social implique un double retour : un retour financier sur le capital investi, qui le différencie d’un don ou d’une subvention, et un retour ou impact social, qui le distingue d’un investissement plus conventionnel.
Parler la même langue pour avancer ensemble
Cette exigence caractéristique de double retour sur investissement cristallise toutes les difficultés de collaboration entre les investisseurs et les entrepreneurs sociaux. Si les premiers n’ont aucun mal à comprendre et à chiffrer la notion de retour financier, il leur est plus difficile d’évaluer le retour social, dont les indicateurs ne correspondent pas à leurs outils de travail habituels. De la même façon, le basculement d’une culture philanthropique vers un modèle d’investissement peut être délicat pour les entreprises sociales, qui doivent se familiariser avec le langage et les exigences des investisseurs. La montée en compétence des parties prenantes est une condition sine qua non de la réussite des projets.
C’est dans le but d’éviter les malentendus et les déceptions que la Fondation Schwab a rédigé le Social Investment Manual, disponible gratuitement sur son site internet. Ce guide, mêlant retours d’expérience et conseils pratiques est une mine d’information pour tous les entrepreneurs sociaux. Il permet à chacun de découvrir les acteurs et le marché des « capitaux sociaux », et de se poser les bonnes questions :
- Le recours à un investisseur social est-il adapté à ma structure et quel impact cela aura-t-il sur ma stratégie et les valeurs que défend mon entreprise ?
- Quels types de financement pour mon profil de risque et mes capacités de rémunération (dette, ouverture du capital, joint venture…) ?
- Comment entrer en contact et communiquer avec les investisseurs potentiels ?
En France, l’ISR domine
Cette approche entrepreneuriale de la finance sociale est encore peu développée en France, où on lui préfère l’ISR. L’Investissement Socialement Responsable est né de deux constats : (1) les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance ont un impact sur la performance d’une entreprise et (2) les investisseurs institutionnels accordent une importance croissante à l’éthique dans la constitution de leur portefeuille.
Pour qualifier des actifs d’ISR, pas de règles précises mais un principe de base, la prise en compte de critères extra-financiers dans l’évaluation. Cela signifie qu’en plus des critères financiers, les émetteurs des titres sont sélectionnés en fonction de critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance).
Si le cadre de l’ISR est encore aujourd’hui très souple, les acteurs de la finance responsable misent sur la transparence et le recours à des agences de notation extra-financières telle que Vigeo. Les investisseurs institutionnels se mobilisent également, l’initiative la plus notable étant celle de la Caisse des Dépôts, partenaire principal de l’ONU pour l’élaboration des Principes pour l’Investissement Responsable (PRI) du Programme des Nations Unies pour l’Environnement. Les PRI comptaient 800 signataires fin 2010, dont 70 français (source : Novethic).
Les produits d’ISR se diversifient et l’offre se tourne aujourd’hui vers les particuliers, qui représentaient 30% du marché en 2010 selon une étude de Novethic. L’investissement social est à la portée de tous, grâce à des nouveaux produits bancaires ou au développement de sites de micro finance solidaires tels que Kiva ou Babyloan.
En bref
- Un projet d’investissement social réussi permet à l’entreprise sociale de bénéficier d’un financement conséquent et pérenne, dans le respect de ses objectifs et de ses valeurs.
- Les investisseurs ne sont pas des philanthropes et les entreprises sociales doivent rendre compte de leur performance de façon régulière et professionnelle et s’assurer d’avoir les capacités financières d’honorer les engagements.
- Si le recours à des investisseurs n’est pas adapté à la structure de l’entreprise, d’autres types de collaborations sont possibles entre l’entreprise sociale et l’entreprise conventionnelle : mécénat de compétences, mise à disposition de locaux…
Pour aller plus loin : Impact Investing, initiative temporaire ou marché émergent ?
Pour en savoir plus :
- Schwab Foundation for Social Entrepreneurship
- Le site Novethic a publié un dossier très complet sur l’ISR, recensant les initiatives internationales en la matière
- Vigeo, la principale agence française de notation extra-financière
- Le site du groupe Caisse des Dépôts
- Le baromètre de la finance solidaire 2011-2012, par La Croix et Finansol, inclut une liste des différents produits de finance solidaire disponibles en France
- Quelques organismes de financement solidaire en France : Les Cigales et Garrigue