Enjeu majeur de professionnalisation du secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS), le concept d’impact social connaît depuis plusieurs années une notoriété croissante, accélérée par le tarissement des fonds publics à destination des organisations d’intérêt général ainsi que par la demande d’outils d’aide à la décision de la part des investisseurs privés en impact investing.1
Par ailleurs, une des attentes des volontaires pro bono, qui donnent de leur temps et partagent leurs compétences pour soutenir les associations d’intérêt général, est d’être informés sur l’impact de leur engagement afin d’évaluer leur utilité a posteriori. Dans la pratique, démontrer l’efficacité des actions menées apparaît pourtant bien plus complexe qu’il n’y paraît. Comment y voir plus clair ? Voici quelques pistes.
L’impact social, une notion large
Dans ses conclusions rendues le 8 décembre 2011, le groupe de travail du Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire sur la mesure de l’impact social définit cette dernière notion comme
l’ensemble des conséquences (évolutions, inflexions, changements, ruptures) des activités d’une organisation tant sur ses parties prenantes externes (bénéficiaires, usagers, clients) directes ou indirectes de son territoire et internes (salariés, bénévoles, volontaires), que sur la société en général. »2
Issue de la capacité de l’organisation à finalité sociale ou solidaire à répondre à des besoins mal ou non satisfaits, la notion d’impact social se traduit, à l’échelle micro, en termes de bien être individuelet de « capabilités »3 et, à l’échelle macro, en termes d’innovations sociales et de pratiques sectorielles.
La théorie du changement, inhérente à la mesure de l’impact social
La théorie du changement est à la base de toute démarche de mesure de l’impact social. Elle s’articule autour de trois objectifs complémentaires: Définir les changements générés ou escomptés par l’activité de l’organisation (nature, ampleur, durabilité etc.) ; Valoriser les changements de manière chiffrée ou non via la collecte et l’analyse de données ; Améliorer l’impact social de l’action évaluée.
Évaluer les faits et les résultats ne suffit donc pas, il s’agit également d’identifier les relations de causes à effets afin d’être en mesure d’améliorer le programme en question par la suite. Pour cela, il est nécessaire dès le stade de la définition des objectifs de réfléchir à la manière dont on prévoit que l’action aura les effets escomptés en définissant le chemin logique qui part des moyens puis de l’activité pour aboutir aux résultats et finalement à l’impact social de l’organisation.
Cette démarche est clef tant pour l’organisation elle-même que pour les investisseurs qui, au-delà de savoir si l’organisation créé effectivement de la valeur ajoutée sociale, sont intéressés par la façon dont l’organisation prévoit d’améliorer son impact social. Différentes méthodes d’évaluation existent, et comportent chacune des avantages propres.
3 recommandations pratiques pour conclure
1. Se lancer dans la mesure d’impact social en ayant conscience en amont de l’impact attendu de l’organisation.
Pour cela, il est crucial d’être clair sur ses cibles et les effets escomptés. Au lancement de son programme 10 000 women destiné à soutenir le développement des femmes entrepreneurs, Goldman Sachs avait ainsi clairement défini l’impact attendu comme suit « Qu’en 5 ans, 10 000 femmes défavorisées d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine développent leurs activités et créent des emplois ».
2. Ancrer la mesure de l’impact dans la culture de son organisation.
Tout comme la mesure de la performance, la mesure de l’impact est une démarche à intégrer au sein de l’organisation à travers l’exemplarité de ses dirigeants ainsi que la formation et l’incitation des équipes à analyser des données et de prendre des décisions à partir des informations collectées.
3. Garder en tête que la mesure de l’impact n’est pas un exercice statique mais dynamique.
Ce travail est à faire en continu et pas seulement ex-post. Le défi pour l’organisation est non seulement d’améliorer constamment son impact en s’adaptant suivant les résultats des études menées mais également d’affiner son système de mesure (collecte de données à moindre coût, analyses et « reporting » de données en temps réel…).
1 Employé aux Etats-Unis depuis une quinzaine d’années, le terme impact investing désigne un investissement socialement rentable pour lequel le rendement financier n’est pas une fin en soi mais un moyen de continuer à générer l’impact social escompté.
2 Source : Rapport d’activité 2011 du Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire
3 On entend la notion de « capabilités » telles qu’A.Sen l’a défini c’est-à-dire comme tout ce qui contribue à accroître la possibilité et donc la liberté pour un individu de décider de sa vie, présente et à venir.