De par sa nature, le pro bono exige son lot d’ajustements lorsqu’il est intégré dans le fonctionnement d’une association. Ces changements ne sont pas anodins et peuvent générer des difficultés lors de leur mise en place. Comment positionner alors le pro bono face au besoin associatif et aux attentes des bénévoles?
Du point de vue de l’association
Le secteur associatif doit répondre à davantage de besoins sociaux, mieux ciblés mais avec moins de ressources, le tout dans un environnement de plus en plus complexe. Les associations se professionnalisent donc peu à peu pour faire face à ce défi. Afin d’accompagner le secteur dans ce changement, l’Avise et la CPCA ont réalisé un sondage [1] pour mieux comprendre les besoins du secteur associatif. De cette enquête ressort les besoins suivants :
- L’association a besoin de faire adhérer à son projet associatif pour accéder à des ressources (attirer des bénévoles, remporter des appels à projets…).
- L’association a besoin de ressources (humaines et financières) pour se développer et prouver son utilité.
Or il faut souvent prouver son utilité pour faire adhérer au projet associatif. Ou comment gérer un serpent qui se mord la queue…
Pour augmenter ses ressources humaines une association peut essayer de recruter de nouveaux bénévoles mais ce n’est pas sans impact pour cette dernière : accueillir le nouvel arrivant, lui présenter le projet associatif, le former pour être opérationnel, sont autant d’actions nécessaires à l’intégration du bénévole (voir à ce sujet Quelques conseils pour accueillir son volontaire). Le bénévolat n’est donc pas gratuit au sens où la ressource première d’une association est le temps, et accueillir des bénévoles dans de bonnes conditions est chronophage. Le pro bono n’échappe pas à cette règle : il nécessite autant d’investissement de la part de l’association que les autres formes de bénévolat, voire plus. Nous saluons au passage nos amis américains pour le précieux conseil qu’ils donnent aux associations : « pro bono is not free – it takes time! ». C’est pour cela que le pro bono s’attache à créer des projets à forte valeur ajoutée, le plus souvent limités dans le temps, qui seront réalisés par des volontaires compétents en la matière. Le pro bono s’inscrit ainsi dans la logique donnant-donnant qui prévaut dans toute relation entre l’association et son bénévole.
Du point de vue du bénévole
Maintenant si l’on se place du point de vue des bénévoles, l’étude de France Bénévolat et de Recherches et Solidarités[2] met en lumière de nombreuses informations sur leur engagement dont voici les principaux éléments :
- Ils s’engagent pour être utile à la société et pour leur épanouissement personnel,
- Ils recherchent du lien social (les échanges avec l’autre) et souhaitent être efficaces,
- Les freins évoqués : le manque de temps et la lassitude sont les plus cités.
Selon ces éléments, le pro bono correspond donc aux attentes des bénévoles : des projets courts ou tout du moins avec une vision de la durée de l’engagement, une efficacité corrélée à leur domaine d’expertise et un résultat concret au final. Pourquoi dans ce cas, envisager le pro bono comme une menace pour l’engagement associatif ?
Les nouvelles modalités de l’engagement associatif
Ce qui peut inquiéter certaines associations est le fait que le pro bono implique de « recruter » des volontaires en fonction de leurs compétences et non plus en fonction seulement de leur bonne volonté. Cela reviendrait à reproduire les schémas d’exclusion du secteur privé. L’engagement serait alors associé à la notion d’objectif, d’indicateur et de formation préalable pour acquérir les compétences nécessaires au projet. En quelques mots le secteur se professionnalise… Et c’est peut être cela qui, au final, inquiète une partie du monde associatif.
Par ailleurs, le caractère ponctuel de l’engagement pro bono est perçu comme étant davantage motivé par la mission proposée que par le projet associatif. L’inquiétude de certains responsables associatifs viendrait donc de la concurrence qu’exercerait le pro bono (basé sur les compétences personnelles pour un projet concret) contre le bénévolat traditionnel (militant et collectif). Pour Dominique Thierry, Vice président de France Bénévolat :
Il n’y a pas les bonnes et les mauvaises motivation à l’engagement bénévole. Toutes sont légitimes à condition d’être clarifiées ».
Effectivement les deux engagements ne correspondent pas aux mêmes attentes des bénévoles mais tous les deux concourent à la pérennisation de l’action de l’association. De plus l’engagement pro bono est certes ponctuel et lié à une mission, mais cela n’exclut pas le bénévole de réaliser plusieurs projets pour la même association et/ou de se rapprocher des associations en fonction de leur projet associatif.
Pour conclure, France Bénévolat révèle dans son étude que cette différence d’engagement avait un lien avec l’âge du bénévole : là ou les plus âgés se sentent militants, les plus jeunes se sentent acteurs. Le sujet est pertinent et mériterait une étude de l’évolution de l’engagement dans les années à venir pour savoir si le pro bono, vraie tendance pour l’engagement de demain, est un positionnement avec l’âge ou une forme d’engagement qui dépasse les frontières entre générations.
Pour aller plus loin, lire l’article Professionnalisation des associations et des bénévoles : de quoi parle-t-on ?
Pour en savoir plus, lire aussi l’étude de Passerelles et Compétences.
[1] Enquête sur les besoins d’appui des associations, par l’Avise et la CPCA, avec le concours de l’institut CSA, 2011.
[2] La France Bénévole 7ème édition, par France Bénévolat et Recherches&Solidarités, 2010.