Introduction à la notion d’impact social : origines et définitions

L’évaluation de l’impact social est devenu un enjeu important pour les organismes du tiers secteur. Apporter la preuve de leur impact social est l’occasion pour ces organisations de démontrer l’importance et la rationalité de leurs activités, notamment auprès des partenaires et financeurs, qu’ils soient privés ou publics. Caty Forget, directrice du mécénat de Sanofi-Aventis, énonce ainsi la logique de cette exigence du côté des entreprises :

Le critère premier de choix d’un projet reste son utilité pour les populations et non le résultat attendu en terme d’image. Mais une entreprise n’est pas philanthrope de la même façon qu’un mécène individuel. Il est important qu’elle rende des comptes, en interne à ses salariés, comme en externe. A ce titre, elle doit pouvoir communiquer sur les résultats obtenus »[1].

Il existe à l’heure actuelle une pluralité de méthodologies de mesure difficilement synthétisables. Toutefois, les règles et principes qui guident ces recherches sont souvent proches. Elles sont présentées dans l’article Mesurer l’impact social : des approches plurielles.

Une définition rendue nécessaire par la fiscalité

La notion d’utilité sociale aurait fait son apparition dans les années 70. Il s’agit alors de marquer ce qui distingue les services fournis par le secteur non lucratif, en particulier lorsqu’ils sont monétisés, des services fournis par le secteur lucratif marchand. La notion d’utilité sociale s’est donc imposée dans un contexte fiscal, l’enjeu étant de justifier l’attribution de subventions/d’exonérations à des associations accusées de concurrence déloyale.

Cette notion va s’affirmer lors de l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 novembre 1973 (« affaire de la clinique de Saint-Luc »). Cet arrêt introduit deux nouveaux critères à la définition de la non-lucrativité, qui incluait déjà la gestion désintéressée et le réinvestissement des excédents dans l’activité : l’existence de conditions plus avantageuses pour les bénéficiaires que celles du marché et/ou une absence de prise en charge par le marché. L’utilité sociale s’est donc définie surtout par défaut : comme réponse aux besoins peu ou pas satisfaits par le marché ou par l’État.

La réflexion sur la nature de l’utilité sociale est marquée par l’Avis du Conseil National de la Vie Associative de 1995. Cet avis contient notamment une liste de critères, ayant pour but de labelliser certaines organisations. Le projet n’aboutira pas, mais le CNVA va retenir cinq dimensions[2] qui vont influencer les recherches successives sur l’utilité sociale. En 1998 et en 1999, deux instructions fiscales définissent de nouvelles règles d’exonérations pour les organismes à but non lucratif (OBNL). L’utilité sociale devient un critère d’exonération, suivant le principe des « 4 P » *[3]. Enfin, les contrats « emplois jeunes» de 1997 font référence à l’utilité sociale, tout comme la Loi de 2005, reconnaissant une utilité sociale aux ateliers et chantiers d’insertion créés.

L’utilité sociale ou la réappropriation de l’intérêt général

L’économiste Jean Gadrey souligne le parallèle entre la notion d’intérêt général, qualifiée d’« épine dorsale du droit public français »[4]et celle d’utilité sociale. Ainsi, l’utilité sociale est avant tout une convention socio-politique, nécessairement débattue puisque liée à la question des valeurs, autrement dit à ce que la société juge « utile » à son mieux-être, en temps et lieu donnés.  Selon le sociologue Matthieu Hély, l’émergence progressive de la notion d’utilité sociale est liée à la réappropriation de l’intérêt général, dont l’Etat a perdu le monopole, par d’autres acteurs et notamment le secteur associatif.

Pour l’Agence de Valorisation des Initiatives Socio-Economiques (AVISE), un des principaux acteurs français de la recherche sur la mesure de l’utilité sociale, il est logique que cette notion n’ait pas de définition claire, reconnue et acceptée par tous. Toutefois la question du lien social, constitue, selon l’AVISE, l’élément fédérateur de l’utilité sociale.

Pour aller plus loin :
Sur ce même blog  : La mesure de l’impact social en pratique et Quantifier et valoriser le travail bénévole
HELY, Matthieu (2006), « De l’intérêt général à l’utilité sociale. Transformations de l’État social et genèse du travailleur associatif. »

 


   

[1] Baculard, O. (2009). De la philanthropie à l’utilité sociale. Etat des lieux et perspectives sur l’évaluation des partenariats Entreprises-ONG.
[2] Les 5 critères de la CNVA : La primauté du projet sur l’activité ; 2. la non-lucrativité (ou le caractère non lucratif de l’activité et la gestion désintéressée) ; 3. l’apport social des associations ; 4. le fonctionnement démocratique et 5. l’existence d’agréments.
[3] Le principe des « 4 P » : Le Produit proposé (le produit n’est pas proposé par le marché), le Prix pratiqué (inférieur au marché ou modulé selon le public), le Public visé (population en difficultés : handicap, chômage. etc), la Publicité faite (absence de publicité commerciale).
[4] GADREY, Jean (2004). « L’utilité sociale des organisations de l’économie sociale er solidaire. Une mise en perspective sur la base de travaux récents » Rapport de synthèse pour la DIES et la MIRE.

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