Par social, Alain Lipietz entend « le bien-être de la société »[1]. L’utilité sociale pourrait donc être définie comme « ce qui fait progresser le bien-être de la société ». En cela, c’est un concept universel. Cependant cette définition est difficile à cerner, ouverte à interprétations, s’appuyant sur les gros mots que sont le progrès, le bien-être et la société, et donc étroitement liée au territoire. Que serait en effet une société sans territoire ?
La création du statut de la Société Coopérative d’Intérêt Collectif, qui a abouti en 2001, a été l’occasion d’une réflexion sur la définition de l’utilité sociale, notion proche mais différente de celle de l’intérêt général. L’utilité sociale est en effet inscrite dans les premières lignes de la loi du 17 juillet 2001[2]introduisant les SCIC « Les SCIC ont pour objet la production ou la fourniture, à des personnes physiques ou morales, de biens ou de services d’intérêt collectif qui présentent un caractère d’utilité sociale».
L’utilité sociale passe par la création de liens sociaux
Selon Alix Margado[3], l’utilité sociale d’une SCIC est appréciée entre autres par le besoin auquel le produit/service répond, l’organisation de la production, l’accessibilité de ce produit/service au plus grand nombre, l’implication de différentes parties prenantes dans son élaboration, la gestion démocratique et les effets positifs induits sur l’environnement (externalités positives).
Ainsi, l’utilité sociale n’est pas simplement définie par la finalité du produit/service, ce en quoi il est utile, mais aussi par ce en quoi son processus de production est utile à la société. Or quoi de plus utile à la société que de créer du lien social, que de faire société ? Selon l’AVISE[4], le lien social est l’élément fédérateur de l’utilité sociale, malgré toutes les variations de définitions qui puissent exister. Et le lien social est indissociable du territoire.
L’utilité sociale dépend du territoire et de son histoire
Ainsi, il n’est pas possible de juger de l’utilité sociale d’une entreprise dans l’absolu : elle dépend des besoins sociaux du territoire sur lequel l’entreprise est implantée, besoins qui dépendent du niveau de développement du territoire, de sa population, de l’offre déjà existante, etc. Comme l’explique Alix Margado,
La notion « d’utilité sociale » est, quant à elle, relative dans le temps et dans l’espace. Elle est soumise à l’appréciation subjective d’un groupe de personnes et à l’approbation de l’État. Si la mairie d’un petit village de la Creuse ou de la Lozère met à la disposition d’un boulanger des locaux, on y verra une utilité sociale et on ne parlera pas de concurrence déloyale. Par contre, si la mairie du 15ème arrondissement de Paris fait la même chose, on dira que c’est de la folie ! Il y a donc bien une idée d’espace dans l’appréciation. »
Voilà une des différences entre l’intérêt général et l’utilité sociale. Tandis que le premier est attaché à la puissance étatique, la seconde s’exprime à travers des réalités différentes au sein d’un même Etat, en fonction du territoire. Par ailleurs, à travers leur libellé même, l’intérêt général insiste plutôt sur le « pourquoi faire société » quand l’utilité sociale le fait sur le « comment faire société ». Cependant, pourquoi et comment sont inextricablement liés. Pour approfondir les différences et points communs entre intérêt général et utilité sociale, lire L’utilité sociale, soeur de l’intérêt général.
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[1] Alain Lipietz, L’opportunité d’un nouveau type de société à vocation sociale, tome 1, Rapport relatif à la lettre de mission du 17 septembre 1998 adressée par Madame Aubry, Ministre de l’Emploi et de la Solidarité, p.16
[2] Loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 modifiant la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération
[3] Proposition d’article pour la Recma – 26 avril 02 – Alix Margado – Délégué innovation Cgscop
[4] Agence de Valorisation des Initiatives Socio-Economiques