La culture : berceau du mécénat
Le mécénat, dont le terme se réfère à Caius Cilnus Maecenas – protecteur des arts et des lettres dans la Rome antique, s’est d’abord affirmé dans le champ de l’art. Dans le Que sais-je ? 1993 sur le sujet, on peut lire ainsi que « l’acte du mécène est indissociablement lié à la vie artistique ou culturelle ». Jusque dans les années 1980, le mécénat d’entreprise relève en effet principalement du champ culturel. Les définitions données par les institutions publiques au mécénat vont également dans ce sens (JO, 23 et 24 février 1982). Lors de la création de l’association Admical en 1979, il y a avant tout la volonté de promouvoir une meilleure gestion du mécénat culturel. La Fondation de France, créée en 1969, a alors elle aussi pour ambition de soutenir le mécénat culturel des entreprises.
Le tournant des années 1980
C’est seulement à partir de la fin des années 1980 que la portée du mécénat culturel commence à être discutée. Son ambition apparaît de plus en plus éloignée des réalités sociales et des enquêtes indiquent que l’action humanitaire correspond davantage aux attentes de l’opinion publique (1989,1993).
Il semble que des facteurs conjoncturels et structurels permettent d’analyser cette évolution. En particulier, les crises économiques et les problématiques environnementales remettent en cause l’idéal du progrès économique : face à la croissance du chômage et aux difficultés rencontrées par les franges les plus pauvres de la société, de nombreuses associations de solidarité se créent.
A partir des années 1990, de nombreuses entreprises se tournent progressivement vers un mécénat de solidarité ; elles y sont également encouragées par l’Etat (Rozier, 2001). La création de l’institut du mécénat humanitaire en 1986 illustre cette tendance : le mécénat d’entreprise « s’émancipe du creuset culturel dans lequel il s’est développé » (Rozier). Par exemple, Total cesse en 1990 de soutenir la création musicale contemporaine pour promouvoir des actions de protection de l’environnement. « Comme si le concept de mécénat ne pouvait perdurer et se développer qu’en transformant sa nature en une action d’utilité sociale concrète et immédiate » (Piquet et Tobelem, 2008).
Le mécénat culturel en échec ?
En forte baisse entre 2008 et 2010, le soutien à la culture ne représente en 2010 plus que 5% des dépenses totales des fondations. Cette anée-là, Olivier Tcherniak affirme que « le mécénat culturel est entrain de mourir ». (Depuis, une reprise s’est annoncée : 26% des budgets du mécénat d’entreprise en 2012 sont consacrés à la culture; Rapport Admical 2012).
L’insuffisante attention donnée à la culture a été relevée depuis également à d’autres niveaux, par exemple dans le rapport de 2012 sur le projet du Grand Paris. Les auteurs du rapport y soulignent que le développement culturel n’est pas présenté comme une priorité dans le projet, alors que toutes les enquêtes indiquent qu’il est au cœur des préoccupations des Franciliens (Pour 85 % d’entre eux, renforcer l’offre culturelle dans les quartiers difficiles est prioritaire ou important ; pour 92%, la culture doit être un axe important du développement du Grand Paris).
La Loi de lutte contre l’exclusion de 1998 avait pourtant souligné l’importance de la culture, en stipulant que : « L’égal accès de tous, tout au long de la vie, à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs constitue un objectif national. Il permet de garantir l’exercice effectif de la citoyenneté » (article 40).
Il conviendrait sans doute, pour pouvoir soutenir davantage de projets, et pas que les « grands »*, que chaque acteur s’attache à mieux articuler l’utilité sociale de la culture. Cela pour d’éviter que les actions du mécénat culturel ne soient associées au phénomène dit de la « danseuse du président ». Il semble en effet incontestable que la culture soit une arme de lutte contre la marginalisation voire l’exclusion de certaines populations, et qu’elle soit « ce qui permet d’avoir quelque chose à se dire, à partager et qui donne de la consistance à la solidarité ».
*Aujourd’hui le mécénat culturel se concentre essentiellement sur les initiatives de grande envergure telles que la restauration de musées nationaux et de sites du patrimoine historique.
Sources :
ROUX, M.A « Le mécénat déserte la culture », Le Monde, 25 mars 2011.
PIQUET S., TOBELEM J.M, « Les enjeux du mécénat culturel et humanitaire », Revue française de gestion, 8/2006 (no 167), p. 49-64
La dimension culturelle du Grand Paris, Rapport d’étude et de propositions remis à Nicolas Sarkozy, Président de la République. Présenté par Daniel Janicot, Conseiller d’Etat, Janvier 2012.