Les modèles économiques des associations : typologies en France et aux Etats-Unis


le 31 juillet 2015 dans Accompagnement des associations, Associations - No comments

En France ou aux Etats-Unis, les associations jouent un rôle significatif dans la satisfaction de besoins qui relèvent de l’intérêt général. Pour ces organisations d’utilité sociale, trouver des ressources pertinentes pour assurer leurs missions est essentiel : et pour cela, il est crucial d’avoir choisi et défini un modèle économique.

Route de campagneCependant, les modèles économiques associatifs sont souvent plus complexes que ceux des entreprises : dans ce cas de figure, des clients paient pour des biens ou services, ce qui dégage un chiffre d’affaires. Pour une entreprise commerciale, le client, le bénéficiaire et le financeur sont souvent la même personne. Pour les associations, le financement des biens ou services offerts n’est souvent pas facturé aux bénéficiaires et doit être trouvé ailleurs. L’association a souvent deux clients : le partenaire qui finance le service, et le bénéficiaire qui le reçoit. Un deuxième enjeu est lié à l’environnement dans lequel les associations évoluent : en France, une certaine forme de mise en concurrence s’opère du fait de l’évolution des financements publics, ce qui contraint beaucoup d’associations à remettre en question leurs modèles économiques.

Etablir des typologies des modèles économiques associatifs, des outils précieux pour les associations

Portes coloréesDeux acteurs du développement des associations, le cabinet Bridgespan aux Etats-Unis et le Mouvement associatif en France, se sont penchés sur la question des modèles économiques associatifs [1]. Bridgespan insiste sur le choix d’un modèle clairement défini comme gage de rationalité économique. Le Mouvement associatif, s’appuyant sur les travaux de recherche du RAMEAU et d’acteurs de l’accompagnement associatif, souligne qu’il est important de choisir le bon modèle, soit celui qui correspond à son projet associatif, plutôt que de subir un modèle par défaut qui a tendance à redéfinir ce projet et à provoquer une perte de sens. Tous deux ont établi une typologie de modèles, à destination des dirigeants associatifs mais aussi des financeurs. En effet, un modèle économique lisible permet aux bailleurs de fonds d’être plus confiants : ils ont plus de visibilité concernant les projets portés par les associations et savent comment le financement qu’ils ont accordé va être utilisé. Ils bénéficient donc d’une grille d’analyse pour choisir avec quel type d’organisation ils souhaitent collaborer.

Si la typologie du Mouvement associatif donne les grandes tendances et décrit les différents modèles économiques des associations en France, y compris ceux qui apparaissent comme fragiles, l’objectif de la typologie de Bridgespan est légèrement différent. Leur typologie est la liste des 10 modèles de financement adoptés par les organisations qui se sont le plus développées aux Etats-Unis depuis trente ans. Cet objectif laisse penser qu’il peut exister d’autres modèles non-inclus dans cette typologie, parce qu’ils n’étaient pas considérés comme des modèles à succès.

La typologie de Bridgespan : des sources de financement variées

La typologie établie par le groupe Bridgespan compte 10 modèles de « non-profits » aux Etats-Unis. Les modèles diffèrent selon les sources de financements :

Modèles reposant sur des dons individuels
  • Modèle 1, « l’appel du cœur » : fait appel à la générosité du public (appels à dons, organisation évènements)
  • Modèle 2, « le recours aux bénéficiaires » : repose sur les dons des bénéficiaires. Les universités et les hôpitaux américains sont nombreux à recourir à ce modèle
  • Modèle 3, « la mobilisation des membres » : repose sur les cotisations et autres versements des membres de l’association
Modèle reposant sur le financement de quelques uns
  • Modèle 4, « le pari sur les grands » : caractérisé par le financement de quelques uns (une personne seule, quelques personnes ou une fondation)
Modèles reposant principalement sur des financements publics 
  • Modèle 5, « l’attrait du public » : basé sur des subventions publiques. Les organisations qui le choisissent remplissent des missions qui s’apparentent à des politiques publiques : l’Etat met à disposition des fonds pour ces missions
  • Modèle 6, « l’innovation par rapport au financement public » : proche du modèle 5, mais les organisations qui l’ont choisi ont uniquement pu obtenir des subventions publiques en démontrant que leur approche était novatrice, ou moins chère
  • Modèle 7, « l’intermédiaire Etat-bénéficiaires » : correspond à une situation similaire, où des organisations sont en concurrence et où les bénéficiaires peuvent choisir à qui s’adresser. Il s’agit donc de proposer une approche innovante pour pouvoir se démarquer et obtenir des subventions publiques
Un modèle reposant sur un financement d’entreprises
  • Modèle 8, « le recyclage des ressources » : pour les organisations qui collectent des dons en nature de la part d’entreprises
Modèles reposant sur des sources de financement variées 
  • Modèle 9, « la création d’un marché » : choisi par des organisations qui ne peuvent ou ne souhaitent pas facturer les services offerts à leurs bénéficiaires, par exemple parce que c’est illégal (don d’organes) ou que ce n’est pas considéré comme éthique. Elles doivent donc trouver des financeurs qui acceptent de payer les frais liés aux services proposés.
  • Modèle 10, « l’implantation locale d’une initiative nationale » : plébiscité par les associations organisées en réseau d’antennes locales, à un niveau où l’Etat ne peut pas forcément intervenir. Elles doivent donc trouver d’autres financements.

La typologie du Mouvement associatif : une typologie qui prend comme critère l’autonomie de financement

La typologie du Mouvement associatif quant à elle compte 7 modèles, également classés selon trois logiques de financement :

Un modèle où les membres fournissent la majeure partie des ressources 
  • Modèle M1, « Autonomie des membres » : correspond aux petites structures associatives, où les membres donnent de leur temps et/ou versent une cotisation, ce qui couvre tous les besoins. Ex : le Réseau Education Sans Frontières
Modèles où les revenus d’activité de l’association couvrent les besoins 
  •  Modèle M2, « Prestations et valorisation de savoir-faire » : le modèle des associations qui vendent des biens et services ou répondent à des offres de marchés publics. Nombreuses dans les secteurs de l’insertion par l’activité économique, du sport, de la culture ou encore des services à la personne, elles sont souvent en concurrence et doivent se démarquer en proposant des approches novatrices. Ex : la Table de Cana ou Artisans du Monde 
  • Modèle M3, « L’association opératrice de politique publique » : choisi par des associations de moyenne ou grande taille qui mettent en œuvre une politique publique. A l’image de la Croix-Rouge, elles se sont fortement développées depuis 1945 et c’est une tendance qui se confirme avec le mouvement d’externalisation des politiques publiques.
Modèles où un ou des tiers financeurs, publics ou privés, sont nécessaires
  •  Modèle M4, « Subventions publiques » : correspond aux associations dont les sources de financement sont en majorité des subventions publiques. C’est un modèle fragile puisque ces dernières ont tendance à diminuer. Ex : Le Mouvement rural de jeunesse chrétienne
  • Modèle M5, « Le cofinancement » : modèle des ONG internationales, encore peu développé en France, qui fait appel à plusieurs sources de financement, publics et privés. Ex : CARE ou ACTED, des ONG de solidarité internationale 
  • Modèle M6, « Mobilisation privée » : repose sur la générosité du public et/ou sur des partenariats avec des entreprises. L’environnement, la lutte contre la précarité ou la défense des droits sont des causes qui font particulièrement sens aux yeux du public et des entreprises. Ex : l’AFM Téléthon, le Secours catholique ou encore Greenpeace
  • Modèle M7, « Modèle mutualisé » : encore peu répandu, ce modèle implique une mutualisation entre structures pour optimiser les coûts. Des associations de médiation sociale, comme PIMMS, ont adopté ce modèle.

 Une analyse plus approfondie de ces deux typologies sera proposée dans un prochain article !
 
[1] Pour retrouver les typologies dans leur intégralité et dans leur version originale :

William Landes Foster, Peter Kim et Barbara Christiansen, « Ten Nonprofit Funding Models », Stanford Social Innovation Review, printemps 2009 (http://www.ssireview.org/articles/entry/ten_nonprofit_funding_models)

Le Mouvement Associatif, Contribution à l’analyse des modèles socio-économiques associatifs – Typologie des modèles de ressources financières, janvier 2014 (avec la FONDA, le Rameau, France Bénévolat, Passerelles et Compétences, France Générosités, France Active, le Réseau National des Maisons d’Associations, l’Adéma et le Comité de la Charte) (http://www.avise.org/sites/default/files/atoms/files/201401_cpca_contributionanalysemodelessocioecoasso.pdf)

 

probonolabTatiana Heinz, chargée de recherche et des partenariats chez Pro Bono Lab

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