Le renforcement des capacités : accompagner le changement

Comment renforcer les capacités des acteurs du changement dans les pays en développement ? Comment, dans le cadre d’un projet de développement international , faire en sorte de mieux prendre en compte le contexte local et ceux qui vont porter le projet à long terme ? Comment mieux les accompagner ?

Le 4 février dernier, l’Agence Française de développement (AFD) organisait un débat sur le renforcement des capacités des acteurs locaux : y participaient Benoît-Xavier Loridon, directeur de l’ONG Initiative Développement, Marie Hélène Nedelec, vice-présidente de Nantes métropole en charge de la coopération décentralisée, Daniel Neu, chargé de mission au sein de l’ONG GRET, Jean-Marc Pradelle, chargé de mission à la Division « Appui au renforcement des capacités » à l’AFD et Amadou Saley Oumarou, Haut-Commissaire à la modernisation de l’Etat du Niger.

Pour les bailleurs de fonds qui financent des projets de développement, le renforcement des capacités est devenu un enjeu majeur. Mais cette notion recouvre des définitions et des pratiques variées. Les intervenants qui participaient au débat ont cherché à se mettre d’accord sur les finalités du renforcement des capacités. Ils ont aussi témoigné sur la manière dont le renforcement des capacités a été assez peu ou mal pratiqué jusqu’à aujourd’hui et ils ont donné des pistes pour l’améliorer.

Devenir autonome, enjeu du renforcement des capacités

Carte du monde colorée

« L’objectif de l’aide, c’est bien de nous amener à nous passer de l’aide » selon Amadou Saley Oumarou. Le renforcement des capacités des bénéficiaires de l’aide au développement doit leur permettre de monter en compétences pour devenir plus autonomes. Il représente une solution pour gérer la tension entre le temps du projet et le temps du changement, qui sont très différents. En plaçant plus explicitement les bénéficiaires au cœur des projets, ceux-ci pourront dépasser le temps court de ces projets pour continuer la dynamique enclenchée et permettre un véritable impact sur leur société.

Les intervenants ont noté que l’assistance technique de long terme, qui a été le modèle de l’aide au développement au sein de l’AFD notamment, a montré ses limites en termes de renforcement des capacités. Cette assistance a trop souvent joué un rôle de « substitution » au lieu d’enclencher une dynamique chez les bénéficiaires, avec pour conséquence directe la reconduction des dispositifs d’assistance technique, et la non-autonomie des structures partenaires. La société civile n’est que très peu sollicitée au sein de ces projets, et même si les besoins des bénéficiaires sont définis en amont, ces derniers sont peu associés au processus. De plus, les bailleurs de fonds et leurs opérateurs ont parfois trop tendance à vouloir reproduire des projets qui ont été faits dans des contextes totalement différents, sans tenir compte du contexte particulier dans lequel ils se trouvent à un moment donné.

Certains intervenants parlent même d’un cercle vicieux qui se met en place : pour les bailleurs de fonds, rendre leurs bénéficiaires autonomes reviendrait à supprimer leur dépendance à l’aide, et donc à perdre des activités ! Il a aussi été question pendant le débat de la responsabilité des bailleurs : l’AFD, par exemple, doit rendre des comptes au Ministère des finances et aux parlementaires français, mais pas à ses bénéficiaires. Comment dans ce cas mieux prendre en compte leurs besoins et leurs attentes ?

Des solutions pour mieux prendre en compte les attentes des bénéficiaires

Pour améliorer la prise en compte des contextes locaux et mieux renforcer les capacités des acteurs, des changements sont nécessaires :

– En amont des projets : renforcer l’analyse des contextes institutionnels, et passer plus de temps sur le diagnostic des besoins des bénéficiaires. Il faut d’ailleurs faire en sorte que les bénéficiaires puissent participer à cette phase de définition de leurs besoins. Cette phase d’analyse et de cadrage, en amont du projet, prend du temps.

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– Pendant la mise en œuvre du projet : les bénéficiaires doivent être explicitement mis au cœur du projet, associés au processus : en d’autres termes, le projet doit être co-construit. Les bénéficiaires doivent être encouragés à être autonomes, par exemple en élaborant leur propre modèle économique pour se préparer au jour où la subvention du bailleur va disparaître. Quant à l’assistant technique, il doit se montrer particulièrement attentif, tout au long du processus, aux attentes et aux besoins des bénéficiaires. Il doit également  avoir une posture de « retrait » et non « d’expert », afin d’encourager l’initiative des bénéficiaires.

– Après le projet : des systèmes d’évaluation plus efficaces doivent être conçus et  mis en place, avec des indicateurs pour mesurer le succès du projet mais aussi son impact, dans un temps plus long. Il est crucial de sortir de la logique de court-terme du financement des projets pour prendre en compte ce temps long.

Cette recherche du renforcement des capacités est centrale dans la démarche pro bono : en France et dans le monde, des programmes pro bono permettent justement d’accompagner les acteurs du changement que sont les associations et porteurs de projets à finalité sociale, en impliquant des bonnes volontés issues de la société civile. Certains intermédiaires, notamment aux Etats-Unis, approchent l’accompagnement comme un service professionnel offert gratuitement mais d’autres, c’est souvent le cas en Europe, privilégient un transfert des compétences afin que les structures et individus porteurs de projets deviennent plus autonomes. Le rôle d’intermédiaire du pro bono consiste essentiellement à faire le choix et le chaînage des assistances techniques à apporter aux accompagnés : l’intermédiaire est présent auprès d’une structure pour l’aider à cadrer ses besoins et l’aider à trouver des solutions qui y répondent durablement, et idéalement qui lui permettent rapidement de gérer ses problématiques de manière autonome. 

Pour retrouver la synthèse du débat, vous pouvez visiter le blog Idées pour le Développement http://ideas4development.org/conference/comment-renforcer-les-acteurs-porteurs-de-changement/

probonolab

Tatiana Heinz, Chargée de recherche et des partenariats internationaux chez Pro Bono Lab

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