Du 28 au 30 mars dernier j’ai pu participer au Sommet de l’innovation dans le volontariat et l’action civique à Madrid, où des experts venus d’Europe et des États-Unis se sont rassemblés pour partager leur recherche et expérience récentes dans le domaine du bénévolat. De nombreux intervenants issus de tous les milieux ont échangé pendant trois jours : associations, volontaires, entreprises, pouvoirs publics… La rencontre était organisée par l’ambassade des États-Unis et la Fundacion Rafael del Pino, et la plupart des intervenants était américains ou espagnols – je devais être le seul français ! Le contenu fût riche, même si nous sommes souvent restés très théoriques en évoquant seulement quelques exemples concrets. Je relate ici quelques points qui m’ont semblé représentatifs des tendances de fond.
Restaurer la confiance
Tout d’abord, de nombreux panelistes ont insisté sur la nécessité d’avoir une vision de la crise que nous vivons, et qui frappe très durement l’Espagne, non comme un désastre mais comme une opportunité, certains s’appuyant pour cela sur la philosophie chinoise. Il en fût ainsi d’Alan Khazei, fondateur deBethechange.org, ainsi que d’Eduardo Serra, ancien Ministre espagnol de la Défense. D’une certaine manière, l’idée était aussi de s’inspirer de l’optimisme américain pour vaincre nos langueurs de vieux continent. En tant que Français, parmi les peuples plus pessimistes au monde, c’est un point que nous devrions comprendre : ayons confiance ! Je suis pour ma part persuadé que la crise est avant tout une crise de confiance, et que nos doutes n’ont plus rien de cartésien dès lors qu’ils nous empêchent d’avancer.
Au cours des échanges, une autre conclusion commune a vu le jour : il est temps de dépasser le paradigme opposant altruisme et égoïsme dans l’action citoyenne, au service de la société. Cela permettrait de libérer des forces vives que la morale entrave, et de renvoyer au passé des divisions nuisibles au sein de la société. C’est une posture pragmatique qu’il convient d’adopter face à la situation actuelle : on peut être égoïstement bénévole, on peut agir pour les autres en ayant des objectifs personnels. L’altruisme peut apaiser l’ego, et l’égoïsme renforcer les comportements altruistes.
Plus loin, j’ai même exprimé cette conviction qu’agir pour les autres est très souvent l’un des meilleurs moyens d’agir pour nous-mêmes, en particulier aujourd’hui. Ainsi, connaître les fins des personnes avec qui l’on travaille est important, mais les juger est une perte de temps, seule l’action compte. Tous les bénévoles veulent aider, et ce seul « vouloir » est déjà un intérêt. L’exigence du désintérêt dans l’action est caduque, improductive. Au contraire, il faut admettre les motivations du bénévole et les encourager, même si elles ne correspondent pas au projet associatif global et n’en rencontrent qu’un segment. C’est aussi cela, restaurer la confiance. Il est trop dommage de refuser de cheminer avec autrui pour quelque temps, simplement parce que nous n’avons pas la même destination.
Ainsi dans l’Hexagone, France Bénévolat a mis en lumière cette nouvelle tendance de la jeunesse à s’engager sur la seule base d’une envie d’agir, sans forcément de convictions ou de projet social et collectif au départ. On s’engage aujourd’hui par curiosité, par envie de prendre des responsabilités, d’avoir un impact, et c’est cela qui mène à l’action collective. On n’a plus besoin d’un projet politique pour sous-tendre l’action, ce qui dénote un changement important par rapport à la logique militante du bénévolat : il est aujourd’hui admis qu’on peut agir ensemble pour une même cause, même sans avoir exactement les mêmes valeurs, tant que l’on travaille en entretenant confiance et compréhension.
La nécessaire combinaison des facteurs
Au cours du sommet, la multiplicité des initiatives venait souligner un sentiment commun : nous n’avons pas de réponse à attendre d’une invention ultime, ou même des progrès dans un seul domaine, fût-il celui des nouvelles technologies, du cadre légal, de la philanthropie privée, du management, de l’engagement citoyen ou consommateur … Nous ne devons pas espérer une solution miracle mais utiliser la combinaison de plusieurs avancées. Des innovations en grappe qui, mises bout à bout, permettront de dépasser les difficultés croissantes rencontrées par tous ceux qui font face aux problèmes sociaux.
Voilà la difficulté de la chose : à la complexité croissante des problématiques actuelles doit répondre un approfondissement dans l’élaboration de nos modes d’organisation et de coopération. Les associations possèdent des techniques souvent efficaces, mais qui doivent gagner en efficience pour pouvoir se développer et être utilisées par d’autres. Ainsi l’association peut désormais animer ses bénévoles et adhérents en utilisant les nouvelles technologies notamment pour communiquer grâce aux réseaux sociaux, mails, forum, ou pour s’organiser avec des outils de gestion, bases de données, logiciels libres…
Les intervenants ont aussi affirmé leur volonté de collaborer davantage au sein du secteur associatif espagnol, pour partager des bonnes pratiques, des exemples et des projets. Pour avoir étudié un peu la question, l’organisation en réseau de l’action citoyenne est légèrement plus développée en France ; nous avons trouvé en ligne beaucoup plus de ressources accessibles sur le bénévolat et le secteur associatif français, grâce au travail des acteurs historiques et du secteur public, et il y a relativement moins de bénévoles en Espagne selon les critères retenus pour définir le bénévole/volontaire. Néanmoins cela doit continuer à nous inspirer : l’esprit de coopération est essentiel pour soutenir les initiatives innovantes. Elles ont besoin de partenariats pour se développer, et de soutien dans la durée, ou en cas de difficulté. Il s’agit donc de multiplier nos modes de collaboration.
Ces deux grandes idées, se faire confiance d’une part, et combiner et multiplier les solutions diverses et variées de l’autre, sont réapparues dans presque tous les discours au cours du sommet. J’admets avoir une expérience relativement récente de l’engagement citoyen à ma petite échelle d’étudiant en fin de cycle, et dans les moments de doute je continue à me demander s’il ne s’agit pas finalement que de discours convenus, tenus depuis des décennies. Néanmoins, ces idées sont bonnes, elles confirment qu’il y a des raisons d’espérer face aux défis sociaux à venir, et que celles-ci ne se trouvent pas dans les replis identitaires mais bien dans l’ouverture au futur, à la technologie, et surtout aux autres !
Quelques innovations concrètes
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