La 1ère Pro Bono Week nationale de Turquie s’est tenue en mai à Istanbul, et elle a rencontré un réel succès ! Cette première édition était organisée par C@rma, le 1er et unique intermédiaire du Pro Bono en Turquie, soutenu par des acteurs de l’innovation sociale : la Fondation BMW, Ashoka, et le Centre d’Incubation Sociale de l’Université Bilgi d’Istanbul. Antoine Colonna d’Istria était présent pour Pro Bono Lab, qui a accepté de tester un modèle de partage-formation de son Diagnostic Pro Bono avec ce nouveau partenaire international. Au total, 12 personnes ont été formées pour apprendre à comprendre les besoins des ONGs, proposer des missions pro bono pertinentes et communiquer ces missions aux volontaires.
Le pro bono en Turquie, un défi pour la société civile
L’enjeu de cette semaine était de taille, car il y a un an en Turquie, seuls les cabinets d’avocats connaissaient le pro bono. C’est dans ce contexte que Sandrine Ramboux, la fondatrice de C@rma, a commencé en 2014 par développer une plateforme de mise en relation des volontaires et des ONGs, sans être encore consciente qu’elle créait ainsi le 1er intermédiaire du pro bono en Turquie. Il faut dire que le paysage du secteur caritatif en Turquie est très différent de ce qui existe en Europe. La société civile est composée de 5000 fondations localisées dans les 5 grandes villes du pays, et de 105 000 associations (dernek), réparties dans tout le pays. Le statut d’entrepreneur social n’existant pas, les entreprises à vocation sociale comme C@rma ont un statut d’entreprise (ticaret) à part entière. Cette partition correspond à une tendance que l’on retrouve en Europe: le développement de plus petites organisations qui choisissent un positionnement de niche sur un segment dont elles sont expertes, avec une action locale ciblée à fort impact.
Cette réalité présente à la fois un challenge et une opportunité pour C@rma : d’un côté les bénéficiaires du pro bono sont nombreux et peu professionnalisés, l’étape du diagnostic de leurs besoin sera donc crucial. D’un autre côté, ces petites structures souvent spécialisées dans l’action sur le terrain représentent un gisement de projets pro bono potentiels pour les aider à déterminer leur stratégie, leur offre marketing, leur structure RH et leur apporter la professionnalisation nécessaire pour maximiser leur impact. En animant le réseau pro bono en Turquie et en professionnalisant une approche commune de diagnostic grâce à Pro Bono Lab, cette 1ère Pro Bono Week va permettre à C@rma de capter un maximum d’acteurs de cette société civile morcelée et de développer son offre de missions de pro bono.
Lever des fonds et attirer des bénévoles, des enjeux majeurs en Turquie
Par ailleurs, un autre indicateur de la spécificité turque est la conjonction de son indice de confiance interpersonnelle, le plus bas du monde, et du World Giving Index de la Charities Aid Foundation, qui la place au 128ème rang avec seulement 12% des turcs déclarant avoir donné de l’argent à une ONG dans le mois. Ces résultats s’expliquent en partie : la Turquie est par ailleurs le 11ème pays pour l’Aide Officielle au Développement devant l’Italie, la Suisse et le Danemark en valeur absolue, et devant la France, l’Allemagne et 3 fois plus que les USA en proportion de son PIB ! Par ailleurs elle accueille aujourd’hui entre 1 et 2 millions de Syriens sur son sol, contribuant ainsi largement à l’effort caritatif des pays de l’OCDE. Les dons faits aux institutions religieuses, non comptabilisés dans cette étude, sont aussi à prendre en compte même si d’autres pays comme la Malaisie et l’Indonésie, dans le même contexte, sont bien mieux placées que la Turquie sur l’index. Par ailleurs, dans cette même étude, seulement 5% des personnes interrogées déclarent avoir eu une action bénévole contre une moyenne de 21% dans le monde.
Là encore, enjeu de taille pour C@rma et tous les acteurs du pro bono puisque c’est la confiance, la capacité à lever des fonds et à attirer des bénévoles qu’il faudra aider les ONGs à développer, grâce à des missions pro bono adaptées. Le 16 Mai dernier, jour de clôture de la Pro Bono Week, 75 participants professionnels issus de plus de 16 entreprises ont découvert le pro bono et l’action de C@rma et ont eu l’occasion de tester leur impact directement lors d’un speed-dating avec les 7 ONGs présentes : au total ce sont plus de 150 heures gratuites de conseil pro bono qui ont été délivrées. Pour 90% des participants, il s’agissait d’une première expérience, démontrant ainsi le potentiel de recrutement des speed-datings.
Du speed-dating pour inciter à l’engagement
Ce format de speed-dating, qui a tout d’abord étonné Antoine, est une création de C@rma : si la tendance à Istanbul parmi les cols blancs est à la prise de conscience d’une nécessité de mettre ses compétences au profit d’une cause qui donne du sens, le 1er pas, la création d’une relation de confiance qui engage, sont difficiles à obtenir des volontaires comme des ONGs. En Turquie, tout commence par offrir et partager un thé, puis un deuxième. Réunir autour de la table les responsables des ONGs et les volontaires compétents, puis modérer un brainstorming de 2 heures sur une interrogation ou un problème précis de l’ONG permet une prise de contact sans engagement qui s’est avérée extrêmement efficace, puisque 100% des volontaires ressortent satisfaits de l’expérience, et un sur quatre continue à offrir ses compétences à l’ONG après l’événement.
Forte de ses nouvelles compétences et de ce réseau plus large et plus finement tissé, C@rma n’a plus que deux choses à faire : formaliser le diagnostic de toutes les ONGs déjà présentes sur la plateforme https://4carma.org et des autres intéressées, et utiliser les contacts développés avec les entreprises lors de la Pro Bono Week pour lancer son prochain événement à la fin de l’année: le Pro Bono Award 2015.