Cela fait maintenant 15 jours que je suis arrivé à Atlanta et que j’ai passé pour la première fois la porte des locaux d’HandsOn Network – Points of Light Institute. Ayant retiré mon Visa à l’ambassade la veille de mon départ1, préparé mon sac dans l’urgence caractéristique des derniers jours en France et attrapé un taxi pour Orly à 4h15 du matin avant 20h de trajet jusqu’à poser ma valise, heureusement que l’adrénaline m’a sauvé de la fatigue à ma première foulée sur le sol américain !
Je suis à présent très bien installé, on peut dire que j’ai eu de la chance et du soutien. En demandant à la ronde des contacts à Atlanta ou à Georgia Tech dans un message sur Facebook début février, j’ai pu rencontrer 3 français amis d’amis qui étudient dans cette école dont le campus jouxte les locaux d’HandsOn. Aude, Christian et Alia m’ont respectivement accueilli, trouvé un logement, et introduit à la vie dans cette ville du Sud des Etats-Unis marquée par une forte culture afro-américaine. Ajoutons un soutien maternel pour des problèmes bancaires, quelques « rides » bien utiles pour commencer à meubler ma chambre avec Shehzin la colloc’ d’Aude, et un accueil plus que chaleureux de la part de Veronica Parages, Directrice du Skills Based Volunteerism au Points of Light Institute et avec qui je travaille au quotidien.
C’est quoi HandsOn Network ?
En 1989, George H.W. Bush évoque dans son discours inaugural la vision d’un « millier de points de lumières », et sur cette image en 1990 est crée la Points of Lights Foundation. Ne nous y trompons pas : cette fondation est non-partisante et totalement indépendante; aujourd’hui le Point of Light Institute est dirigé par Michelle Nunn, fille d’un sénateur démocrate, et à l’occasion du 20ème anniversaire de l’invocation des « points de lumière », c’est Barack Obama qui a signé le Serve America Act créé par Edward Kennedy. Dès 1991, la Fondation Points of Light fusionne avec le Centre National du Volontariat. Parallèlement, en 1992, CityCares, qui s’appellera plus tard HandsOn Network est créé comme un réseau national pour répandre des modèles performants de volontariats et proposer des ressources aux associations : bénévoles et méthodes. En 2007, après avoir chacun avancé de leurs côtés, HandsOn Network et Points of Light Foundation se rassemblent et créent le Points of Light Institute, qui devient le plus large réseau de bénévoles et d’engagement civique aux Etats-Unis, accueillant aussi un grand nombre d’AmeriCorps et de Vista Corps, sorte d’équivalent du service civique proposé en France par Uniscité.
Comment ça fonctionne ? Et toi, que fais-tu ?
L’objectif du Points of Light Institute est de « redéfinir le bénévolat et l’engagement citoyen en général au 21e siècle, afin de mettre les individus au centre de la résolution des problèmes sociétaux, en les aidant grâce à de nouvelles idées à faire la différence »2. Pour cela, il est organisé en 3 départements distincts :
– HandsOn Network, un réseau de bénévoles qui comprend 250 centres aux Etats-Unis et dans 17 pays dans le monde. Ces centres sont des associations qui adhèrent au réseau pour trouver du soutien, des bénévoles et du matériel pédagogique en anglais notamment. Ces adhérents sont appelés des Affiliates. Le réseau HandsOn a fourni 30 millions d’heures de bénévolat en 2010, valorisées à plus de 600 millions de dollars.
– MissionFish, qui permet aux consommateurs sur Internet de reverser une partie de leurs achats à une cause de leur choix. En partenariat avec eBay, MissionFish a fourni 162 millions de dollars à 22.000 associations dans le monde depuis 2003.
– The Civic Incubator est l’entité chargée de faire émerger les nouvelles idées pour l’action citoyenne, qu’il s’agisse d’associations, d’entreprises sociales ou de joint-ventures, et de les développer au sein du réseau HandsOn.
Veronica et moi faisons partie du Civic Incubator. Le Skills Based Volunteerism (SBV) représente à l’heure actuelle $11 millions de services rendus par an, ce qui est une portion encore mineure mais en pleine expansion sur les $600 millions délivrés en service par les bénévoles du réseau HandsOn. Les avantages du SBV pour le bénévole comme pour l’association sont bien reconnus ici, nous travaillons donc à son développement dans les centres affiliés au réseau. En effet, les programmes SBV et/ou pro bono nécessitent pour réussir un réel savoir-faire notamment dans la définition des besoins associatifs, la formation des projets et leur suivi, ainsi que l’accompagnement des bénévoles – en France, le taux de satisfaction des associations lors des missions de bénévolat de compétences n’est que de 24%, et seulement 10% sont totalement satisfaites !3.
J’ai passé ces derniers jours à consulter toute la documentation dont dispose HandsOn sur ces sujets, et à prévoir une arborescence que je mettrais en ligne à disposition des Affiliés, pour qu’ils puissent trouver les documents pour se former au pro bono à un seul et même endroit. Je prépare aussi un « boot camp » : dans 2 semaines, nous rencontrerons 23 Affiliés sur quelques jours à Chicago, pour étudier des solutions novatrices qu’ils peuvent mettre en place à un niveau local, et leur proposer des formations et un système de certification HandsOn. Nous réalisons avec Veronica une présentation leur présentant toutes les étapes du processus. J’en profiterais pour rencontrer les responsables de l’antenne de Chicago avec qui je passerai les mois de juin et de juillet : ils ont mis en place un programme nommé SAVE qui est très avancé notamment sur la manière d’évaluer la capacité des associations à recevoir les projets pro bono/SBV – appelé ici « readiness assessment ». Je travaillerai avec eux sur ces sujets et sur un autre programme visant à mettre des consultants pro bono au service des écoles publiques, pour essayer de réduire les échecs du système scolaire américain4. Les journées sont longues et j’ai récupéré du décalage horaire il y a peu, mais le travail est passionnant et les perspectives radieuses !
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1 : J’en profite pour déconseiller le sponsor pour les Visa Intrax qui est à proscrire en terme de délais et de fiabilité.
2 : Une remarque personnelle : Bien qu’on puisse avoir peu de goût pour ces formulations « à l’américaine », l’objectif est moral, sincère, mais aussi tout à fait pertinent en France et en Europe. Le constat est triste mais indéniable : l’Etat, notre vieux garant de l’intérêt général, a perdu une bonne partie de sa marge de manoeuvre. Notre « pouvoir » politique nous explique trop souvent, à tort ou à raison, qu’il ne « peut plus ». Critiquer cet état de fait est normal, mais n’est pas suffisant : compter sur nous-mêmes au sein de la société civile est une alternative nécessaire, bénéfique et responsable.
3 : Voir l’étude de Recherche et Solidarités sur le bénévolat d’expertise : http://www.recherches-solidarites.org/media/library/lebenevolatdexpertise.pdf
4 : Le taux de départ en cours de scolarité est énorme ici, mais on s’est rendus compte qu’en analysant les raisons de ce taux (un travail d’étude et de statisticien), on pouvait agir sur les racines du mal et obtenir des résultats surprenants. De même, certaines écoles défavorisées ayant mis des programmes de bénévolat en place pour leurs élèves s’aperçoivent que ceux-ci gagnent en responsabilité, en stabilité, et surtout obtiennent des résultats académiques bien supérieurs à la moyenne !