Convergences 2015. Plus d’échanges entre ONG et secteur privé : quand, comment, pourquoi?

Convergences 2015 a pour but de promouvoir une économie tournée vers un plus grand impact social et de permettre l’articulation des parties prenantes engagées dans cette voie. Opérant sous la forme de groupes de travail d’experts durant l’année afin d’élaborer des réflexions de fond sur les problématiques visées, Convergences 2015 donne lieu à un forum international d’échanges et de discussions entre professionnels des secteurs concernés. Ce forum est également l’occasion de présenter et de diffuser les études et idées produites pendant l’année par les groupes de travail. L’atelier « Plus d’échanges entre ONG et secteur privé : quand, comment, pourquoi? » avait pour objectif d’éclaircir les risques actuels et les pistes de développement des partenariats entre le secteur lucratif et non profit.

Les risques d’instrumentalisation : green washing et social washing.
L’étape de définition des objectifs communs doit être bien élaborée pour éviter l’instrumentalisation avant un projet, d’autant plus que l’entreprise prend des risques à entreprendre ce type de démarche. Ce risque est cependant de plus en plus limité car les entreprises ont désormais compris qu’elles n’avaient aucun intérêt à faire de leurs projets un simple outil de communication. Cependant, le rappel doit être fréquent et la transmission des savoirs est nécessaire. L’entreprise a en effet peu de mémoire institutionnelle, car ses interlocuteurs changent rapidement, contrairement au milieu associatif. Les adhérents, le conseil d’administration sont souvent des éléments fidèles à la structure et ils se souviennent des problèmes rencontrés avec les entreprises et les communiquent au réseau associatif. Le pendant positif est que les engagements réels et positifs des entreprises sont transmis entre les ONG, favorisant ainsi les nouvelles relations. On constate que les entreprises ne souhaitent plus communiquer sur les projets avant d’obtenir des résultats concrets. La question de l’instrumentalisation reste cependant aujourd’hui un bon outil tant du coté association qu’entreprise pour ne rien faire, alors qu’elle peut être dépassée.

Les obstacles à l’élaboration de nouveaux partenariats
Le mécénat est la première porte pour créer un lien entre le tiers secteur et le secteur privé, or la structuration du mécénat d’entreprise ces dernières années amène une difficulté nouvelle. De plus en plus d’entreprises créent des fondations d’entreprise ayant des axes d’interventions bien définis, qui restreignent ainsi beaucoup l’accès aux ONG n’intervenant pas dans leur périmètre. En sus de cette tendance, les ONG sont confrontées à la problématique des fonds dédiés. Les entreprises dédient leurs engagements à des actions bien ciblées. Comment réussir alors à financer des actions dont les bénéficiaires sont peu valorisants pour l’entreprise ou les pouvoirs publics ? On s’aperçoit qu’il existe en France une représentation culturelle de ce que doit être la solidarité qui est complètement déconnectée de la réalité terrain. Parmi les exclus de cette représentation on trouve, par exemple, les toxicomanes, délinquants et demandeurs d’asile. Bien que relevant de l’intérêt général et répondant à un véritable problème de société, de nombreux projets restent ainsi sans partenaire pour les financer. De leur coté, les entreprises peuvent également éprouver des difficultés pour lancer leur programme de mécénat. Le peu de moyens alloués à un premier projet ainsi que le manque de connaissance sur les actions réalisables sont autant de freins pour aller rencontrer les ONG.

Une piste est envisagée pour répondre à ces problèmes : la notion de proximité. Il est nécessaire de rappeler que les projets lancés le sont souvent à l’initiative d’un relationnel fort entre deux personnes. La naissance de cette proximité peut être due à une compréhension mutuelle de l’enjeu d’un projet ou à l’envie d’agir sur un même territoire mais c’est surtout un levier pour engager les deux structures représentées à dialoguer et à démarrer une action commune en acceptant la notion de risque. Il y a effectivement des risques à créer une coopération entre deux univers aussi différents. La menace d’instrumentalisation de l’ONG a été abordée, mais l’entreprise n’est pas exempte pour autant de retours négatifs. L’entreprise engage son image, et le porteur du projet en interne s’engage presque personnellement vis-à-vis de sa hiérarchie. Il a donc le rôle délicat de préserver non seulement les intérêts de son employeur mais aussi d’éviter l’appropriation du projet à des fins de communication surfaite, préservant ainsi l’engagement premier de l’entreprise.

La proximité des deux structures et la « tension constructive » autour des risques du projet sont autant d’éléments clés pour réussir cette coopération. Une fois mise en place, la coopération doit être évaluée et diffusée pour assurer la visibilité des bonnes pratiques et faire immerger des initiatives similaires. En cela les entreprises et les associations ont encore une fois tout intérêt à travailler ensemble en fonction de leurs compétences respectives : le reporting pour l’entreprise, l’évaluation terrain pour le milieu associatif.

Nouvelle représentation des parties prenantes
L’entreprise ne souhaite pas se substituer aux pouvoirs publics, mais elle possède de nombreuses compétences. L’Etat ne peut plus subvenir seul aux problèmes actuels. Le milieu associatif a la connaissance opérationnelle mais peu de moyens pour répondre aux enjeux qu’il constate. Il ne s’agit donc pas de compenser un acteur par un autre mais de gérer une complémentarité par rapport à une valeur commune qu’est l’intérêt général. Il est clair que l’Etat doit garder un rôle de régulateur afin de gérer l’ensemble des actions sur le territoire mais tout reste à faire sur ce travail de rapprochement.

Le mot de la fin de l’atelier était pour Charles-Benoît Heidsieck qui nous rappelle à quel point il est nécessaire de développer les compétences sur les échanges entre le tiers secteur et le secteur lucratif. Cela passe par un investissement sur de nouvelles pratiques du mécénat, un accompagnement des entreprises et associations sur les solutions concrètes et pour finir sur la mutualisation des moyens sur ses sujets.

Photos copyright « Raphaël de Bengy »
De gauche à droite :
Damien Desjonquères, Coordonnateur Sociétal et Responsable du Programme Accès à l’Energie, Total
Didier Piard, Directeur de l’action sociale, Croix-Rouge Française
Augustin Debiesse, Consultant Senior, Optimus
Médéric Jacottin, Responsable des relations externes, Fondation GoodPlanet (Modérateur)
Charles-Benoît Heidsieck, Président, Le RAMEAU (Modérateur)
Alain Caudrelier-Bénac, Directeur Général, Plan France
Patrick Edel, Fondateur, La Guilde Européenne du Raid
Stéphane Godin, Responsable des partenariats, Groupe SOS
Philippe Lévêque, Directeur Général, CARE France

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