Investir Socialement Responsable (ISR) est une démarche visant à minimiser les impacts négatifs des investissements financiers sur la société et/ou l’environnement. Une entreprise fera par exemple le choix de ne pas investir dans un vaste projet pétrolier. Il existe cependant aussi une démarche plus poussée, dont le but est d’éviter les impacts négatifs ET de créer des impacts sociaux et/ou environnementaux positifs.
Une entreprise fera par exemple le choix d’investir dans une petite entreprise vendant des panneaux photovoltaïques. On parle d’Impact Investing. Ce segment du monde de la finance se situe entre le business traditionnel (objectif de rentabilité) et la philanthropie (recherche d’un impact sociétal positif), et adopte un “objectif de double rentabilité”, à la fois financière et sociale.
L’Impact Investing au sein du concept de valeur partagée
Ce segment se trouve au cœur du concept de valeur partagée, développé par Michael E. Porter et Mark R. Kramer[i]. La valeur partagée être définie comme l’ensemble des « politiques et pratiques opérationnelles qui augmentent la compétitivité d’une entreprise tout en améliorant les conditions économiques et sociales des communautés dans lesquelles elles opèrent ». L’enjeu est donc de lier le progrès économique au progrès sociétal, et vice-versa. La valeur est ici définie comme les bénéfices par rapport au coût engendré, et non pas les bénéfices seuls, comme cela est parfois le cas lors de la mesure de la performance des organisations à but non lucratif (valeur des dons reçus, valeur des dons effectuées, etc.). La création de valeur partagée se réfère à la définition de la valeur utilisée dans le business, où le résultat final est la somme des ventes aux clients moins la somme des coûts induits (pour faire au plus simple). Cependant, cette valeur est ici appliquée aux enjeux sociétaux.
Un nombre croissant d’entreprises globales, bien que réputées pour leur approche business intransigeante, s’engagent dans des initiatives de ce type. Selon Porter et Kramer, elles peuvent adopter trois manières différentes de créer de la valeur partagée : concevoir de nouveaux produits et développer de nouveaux marchés, redéfinir la notion de productivité au sein de la chaîne de valeur, ou contribuer au développement local solidaire. L’Impact Investing fait ainsi partie du premier type de création de valeur partagée : les entreprises du monde de la finance (banques, fonds de Private Equity, etc.) créent un outil d’investissement dédié à des projets sociaux, tout en exigeant un retour financier.
Quelle différence entre Impact Investing et microfinance?
Le but premier de l’Impact Investing est en effet de contribuer au développement local. Il est possible de financer des initiatives à petite échelle (exemple d’une PME dans un pays en développement) qui contribuent au développement local, soit par leur produit (on parle d’innovation sociale) soit simplement par leur présence. Le retour sur investissement est à la fois un gage de réussite du projet (une motivation supplémentaire peut apparaître de part la nécessité de remboursement) et de diffusion à grande échelle (une fois le remboursement effectué, un réinvestissement dans un autre projet est possible).
Au sein de l’Impact Investing, les acteurs clés sont divers. Les investisseurs sont à la fois les fondations internationales, notamment les fondations américaines qui via leurs Program Related Investments ont pour la plupart déjà une démarche d’Impact Investing (p.e. Rockefeller Foundation), les investisseurs socialement responsables (p.e. les nombreux fonds dédiés à l’ISR, notamment en France), et les acteurs plus classiques du monde de la finance (banques, fonds de private equity, etc.).
Les investisseurs ne font pas directement des prêts financiers à petite échelle, mais participent au développement local de diverses manières : ils peuvent créer des fonds d’investissements dédiés à des projets à impact sociétal positif, mener des projets en partenariat avec des organisations déjà impliquées dans ce type d’investissement, …
Tout en comblant le manque d’investissements dédiés aux problèmes sociaux (notamment le manque de financement public), grâce à une telle initiative, les investisseurs ont l’opportunité de pénétrer de nouveaux marchés au sein desquels ils n’auraient pas eu les clés pour réussir hors de ce créneau, mais également d’adopter une démarche cohérente de responsabilité sociale, tout en fédérant les employés, notamment via des missions de mécénat de compétences autour de cette initiative.
Et la mesure d’impact ?
L’impact financier semble relativement facile à mesurer grâce aux outils traditionnels de la finance, par exemple le retour sur investissement (en anglais ROI). La mesure de l’impact social est plus délicate (voir à ce sujet l’article La mesure de l’impact social en pratique). Elle dépend en effet directement du projet évalué : l’impact social d’un fonds d’investissement pour les PMEs de zones rurales en France ne sera pas le même que celui d’un fonds d’investissement pour la biodiversité dans la forêt équatoriale. Il existe donc autant de mesures de l’impact social que de projets.
Malgré cette diversité, le Global Impact Investing Network (GIIN), organisation à but non lucratif ayant pour objet d’augmenter l’échelle et l’efficacité de l’Impact Investing, a développé IRIS (Impact Reporting and Investment Standards). Cet outil de mesure vise à décrire les performances sociales et environnementales des organisations selon un langage commun afin de les comparer ensuite entre elles. Cette initiative a permis la publication de la première analyse de la performance de l’industrie de l’Impact Investing, Data Driven. « Même si c’est une industrie émergente, de nombreux progrès ont vu le jour pour la mesure et le reporting de la performance sociale et environnementale depuis quelques années au sein de l’Impact Investing.
Initiative, segment de marché, marché, industrie, … L’Impact Investing est en construction. Ce sont avant tout les acteurs de l’économie traditionnelle qui s’impliquent dans ce secteur hybride, entre finance et philanthropie, et contribuent à son développement. Le secteur est surtout très dynamique, multipliant les conférences, impact² à Paris, Take Action 2012 ! à venir aux Etats-Unis, etc. Son succès est encore incertain et dépend « du développement des infrastructures de marché adéquates et d’une intelligence de marché rigoureuse »[ii], et son développement est à suivre de près, donc.
Pour aller plus loin : Impact², rendez-vous des acteurs de l’Impact Investing
[i]Creating Shared Valuede Michael E. Porter et Mark R. Kramer, Harvard Business Review
[ii] Data Driven, GIIN