Entre secteurs public et privé, les associations et les coopératives sont des acteurs majeurs de l’économie sociale qui représentent respectivement 78% et 14% de l’effectif salarié total du tiers secteur. Loin d’évoluer de façon totalement dissociée l’une de l’autre, ces deux structures partagent des principes fondateurs communs. Alors que les associations doivent de plus en plus répondre à des impératifs d’ordre économique du fait de la raréfaction des subventions publiques, de l’affaiblissement de leurs ressources bénévoles et du développement de leurs activités, certaines d’entre elles font le choix de se transformer en coopérative. Quelles raisons sous-tendent cette évolution et comment la mener à bien?
Des principes fondateurs communs, des modes de financement différents
Coopératives et associations partagent un certain nombre de principes datant de 1845 puis repris dans la charte de 1980 de l’économie sociale qui sont la gestion démocratique selon le principe « un homme, une voix », la gestion autonome et indépendante vis-à-vis des collectivités publiques ou d’autres entreprises (concurrents, fonds de pension etc.), la recherche d’un projet collectif et la limitation de l’appropriation individuelle des excédents (voire l’inexistence pour l’association).
Similaires par leurs valeurs intrinsèques, les deux structures diffèrent par leurs modes de financement. Alors que le financement associatif, appelé à évoluer ces prochaines années face au désengagement de l’Etat et à la décroissance du budget associatif qui en découle, est marqué par une diversité des ressources (financement public, financement privé, activités marchandes et bénévolat), le modèle économique coopératif est financé par voie privée par les salariés-associés (exclusivement en SCOP, en partie en SCIC) et, dans le cas de la SCIC, par d’autres parties prenantes (usagers, collectivités publiques, entreprises, associations etc.). Les associés peuvent se partager les bénéfices de l’entreprise (dans la limite de 33% des bénéfices pour la SCOP).
De l’association à la coopérative : pourquoi ?
Les facteurs explicatifs de la transformation d’une association en coopérative sont multiples.
La transformation d’une association en coopérative peut d’abord trouver ses racines dans l’inadéquation du projet avec le statut juridique de l’association. Suite à un accroissement de son activité économique par exemple, le passage en coopérative d’une association lui permet d’acquérir des fonds propres pour investir d’un côté, et de renforcer de l’autre sa crédibilité vis-à-vis des partenaires.
Le passage d’un statut associatif à un statut de société est également un moyen de renforcer son intensité capitalistique pour contourner la raréfaction des subventions publiques et/ou se développer de façon autonome en levant des fonds et mener ainsi des projets porteurs de croissance. Ainsi, la transformation du mensuel Alternatives Economiques en SCOP en 1982 a correspondu à un changement d’échelle avec la vente du journal au grand public en kiosque.
Enfin, dans certains cas, le changement de structure agit comme un électro choc positif sur la répartition des pouvoirs de l’association lorsque le directeur, face à la pression des commanditaires publics, tente de gérer l’association sans grande concertation avec le conseil d’administration. Une fois l’association transformée en coopérative, le directeur salarié ne peut décider sans l’aval des autres salariés-associés. Cet argument est néanmoins à nuancer car le caractère démocratique d’une coopérative dépend étroitement de la part de salariés-associés.
Trois conseils pratiques pour réussir le changement
1) Etre clair sur les exigences du statut coopératif. Passer en coopérative nécessite de communiquer plus souvent et mieux sur son activité auprès de l’ensemble des parties prenantes qui participent collectivement à la gouvernance de l’entreprise. Le changement de statut appelle aussi à une redéfinition des rôles de chacun, notamment des bénévoles et des pouvoirs publics dans la nouvelle coopérative.
2) Elaborer une stratégie d’entreprise en amont. Bien que les valeurs de la coopération et de la transparence doivent être au centre des motivations de l’association candidate à la transformation en coopérative, celle-ci ne doit pas négliger les réalités du marché : sa performance économique est une condition nécessaire à sa pérennité. Elle doit donc s’assurer en amont de l’existence d’un marché qui corresponde à l’activité réalisée et de sa compétitivité sur ce marché. L’exemple de la SCOP Côté Nature Bio, entreprise de textile bio-équitable, rappelle l’importance de l’élaboration de cette stratégie d’entreprise car si les valeurs de la gouvernance démocratique et de la responsabilité sociale et environnementale ont permis à la SCOP de se différencier de ses concurrents, elles n’ont pas suffi à assurer sa compétitivité car Côté Nature Bio a dû cesser son activité en décembre 20091.
3) Se faire accompagner. Afin d’être conseillé dans la création d’une SCOP ou d’une SCIC, il est utile d’avoir recours à des réseaux d’accompagnements comme le réseau SCOP Entreprises dont les unions régionales proposent régulièrement des séances d’information sur le statut coopératif et réalisent à la demande un diagnostic pour évaluer en amont la faisabilité économique et coopérative du projet associatif.
Sources :
1 SCOP Côté Nature Bio : un exemple coopératif confronté aux réalités du marché dans une économie plurielle en devenir, Jacques POISAT, Daniel GOUJON et Jean-Luc MIESZCZAK