Le mécénat et l’économie sociale et solidaire (ESS) ont en commun d’apporter des solutions innovantes pour répondre aux besoins sociaux, économiques et environnementaux. Quels sont les liens entre ces deux champs aux histoires différentes ? Comment mécénat et ESS peuvent-ils se rencontrer ?
Le mécénat, un don au service de l’intérêt général
Le mécénat est le soutien matériel, financier ou humain d’une entreprise ou d’un particulier à une activité d’intérêt général. Cette pratique attire des particuliers et des entreprises de toutes tailles, qui donnent de l’argent, des produits ou des compétences. Pour les entreprises, il s’agit d’un outil stratégique qui leur permet de créer de la valeur immatérielle. En France, il est encouragé par un dispositif fiscal très incitatif, fixé par la loi Aillagon de 2003 : les entreprises mécènes obtiennent ainsi 60% de déduction fiscale sur leurs dons, et les particuliers jusqu’à 66% sur l’ISF.
Le mécénat est un dispositif encouragé par les pouvoirs publics dans la mesure où il contribue à l’intérêt général ; aussi toutes les organisations ne sont-elles pas éligibles au régime du mécénat. Le bénéficiaire doit être un organisme d’intérêt général au sens fiscal, c’est-à-dire exercer une activité non-lucrative et non concurrentielle, non réservée à un cercle restreint de personnes, et soumise à une gestion désintéressée. Ces critères excluent de fait un certains nombres de structures de l’ESS notamment celles constituées en sociétés (SA, SARL, SAS…), même coopératives (SCOP, SCIC…).
L’économie sociale et solidaire, entre intérêt général et intérêt collectif
L’économie sociale et solidaire (ESS) est une « façon d’entreprendre », un mouvement qui fédère des organisations cherchant à concilier utilité sociale et activité économique. Dans une étude de 2013, l’INSEE a identifié quatre types de structures employeuses au sein de l’ESS : sur les 165 910 structures, on comptait 133 620 associations (soit 80,6% des structures), 23 680 coopératives (14,3%), 7110 mutuelles (4,3%) et 1320 fondations (0,8%). La définition du périmètre de l’économie sociale et solidaire a été l’enjeu d’importants débats en France, qui ont mené à l’élaboration d’un projet de loi-cadre sur l’ESS, promulguée au Journal Officiel du 1er août 2014.
Par leurs statuts et par leurs activités, seules certaines associations et fondations répondent aux critères de l’intérêt général, et peuvent donc bénéficier du mécénat. En effet, bien qu’elles soient souvent d’une utilité sociale avérée, des structures comme les mutuelles et les coopératives, et certaines associations, ne répondent pas aux critères de l’intérêt général. Cela peut être dû au fait que ces structures exercent une gestion intéressée, c’est-à-dire que les dirigeants de l’organisation peuvent être amenés à partager les bénéfices à l’issue d’un exercice – la redistribution des excédents est permise par les statuts. Une autre condition d’exclusion du champ du mécénat est l’exercice d’activités concurrentielles ou lucratives prépondérantes par rapport à l’activité globale de l’organisation concernée, ce qui s’apprécie en comparant les conditions d’exercice de ces activités avec celles du secteur marchand.
Enfin, la notion de « cercle restreint de personnes » est le dernier critère, et une clef de la distinction entre l’utilité sociale et l’intérêt général. En effet, la notion d’utilité sociale suppose la satisfaction d’un besoin identifié pour une ou plusieurs parties prenantes connues. Un projet ayant pour cible la réponse aux besoins d’une communauté peut avoir une utilité sociale claire – par exemple, la scolarisation des enfants réfugiés syriens ; pour autant, ce projet n’est pas nécessairement d’intérêt général s’il considère que sa portée se limite strictement à la réponse aux besoins des parties prenantes ou « clients ». Ainsi les structures de type coopératives et mutuelles sont généralement au service de leurs adhérents ou affiliés ; en cela elles servent un intérêt collectif, mais non général. Un projet d’intérêt général profite, au-delà de ses parties prenantes directes, à la société en tant que telle, à tous sans distinction. En quelque sorte, un projet d’utilité sociale à une portée essentiellement économique, tandis qu’un projet d’intérêt général a une portée politique.
Des perspectives pour le mécénat et l’ESS
D’après le CNRS, en 2011 le mécénat représente environ 4% du financement des associations en France, ce qui est plutôt en baisse par rapport aux 5% estimés en 2005. Pour autant, en volume, le mécénat augmente sur la période, et pour beaucoup d’associations aujourd’hui il est vu comme une solution pour apporter un complément à leur modèle économique. Le mécénat ne saurait être à lui seul l’avenir du financement de l’ESS, mais il peut se développer. Le cadre légal évolue pour le soutenir, par exemple avec les fonds de dotation, créés par la loi de modernisation de l’économie de 2008. Une autre perspective pourrait venir de la diversification des entreprises mécènes. La loi du 1er août 2003 interdit aux
entreprises de consacrer aux dons plus de 0,5% de leur chiffre d’affaires. Ce seuil est vite atteint pour les PME qui sont donc plus limitées que les grandes entreprises. Admical propose ainsi d’établir une franchise de 10 000 € pour l’ensemble des montants engagés au titre du mécénat, au-delà desquels s’appliquerait le plafond actuel de 0.5 %, ce qui devrait favoriser l’implication des PME. Enfin, le mécénat se diversifie : le don de produits et le mécénat de compétences, de plus en plus pratiqués, permettent de tisser de nouveaux liens entre les mécènes et les structures d’intérêt général de l’économie sociale et solidaire.
Antoine Colonna d’Istria, Co-fondateur, Pro Bono Lab
Cet article a été initialement publié dans Mécènes, le magazine de tous les acteurs du mécénat. Ce trimestriel vous permet d’aborder des sujets de fond, vous donne des outils pratiques et des exemples inspirants, et vous ouvre les horizons sur le monde et les multiples partenariats. Pour vous rendre sur la boutique d’Admical et acheter le numéro : http://www.admical.org/