Le mécénat de compétences est la mise à disposition à titre gracieux de collaborateurs au profit d’associations d’intérêt général
Pro bono est une expression popularisée par les juristes à partir des années 1970, tirée du latin, et signifiant « pour le bien public ». On peut consacrer du temps pro bono pendant son travail ou en dehors. L’expression « mécénat de compétences », retenue en droit français, ne désigne pas nécessairement une mission qui requiert les compétences propres du salarié. Elle est cependant effectuée sur les heures de travail. Lorsque cette pratique a lieu dans le cadre privé, elle est appelée bénévolat ou, le cas échéant, bénévolat d’expertise[1]. Les collaborateurs apportent alors à l’association une expertise parfois plus précieuse que les donations financières, qu’elle peut obtenir par ailleurs auprès d’acteurs publics.
Des bénéfices multiples pour l’entreprise et son capital humain
Aux Etats-Unis, on sait depuis une dizaine d’année que les démarches de responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) créent de la valeur pour les actionnaires[2], notamment parce qu’elles sont le premier moteur de la réputation de l’entreprise[3]. En France, l’avantage fiscal de la loi du 1er août 2003 relative au mécénat participe également aux intérêts financiers que l’entreprise retire de la RSE.
Parallèlement, le mécénat de compétences peut jouer un rôle central dans le recrutement de jeunes talents. Alors que les baby boomers s’apprêtent à partir à la retraite, les entreprises capitalisent plus que jamais sur la marque employeur pour attirer et fidéliser les profils prometteurs de la Génération Y. En effet, d’après des études américaines 97% des enfants du millénaire pensent que leur entreprise doit proposer à ses salariés un programme de mécénat de compétences[4], 69% sont conscients de l’engagement sociétal de leur employeur[5], et 79% veulent travailler pour une entreprise qui se préoccupe de son impact sociétal. Cette recherche de sens est couplée à une volonté d’apprendre et de se former. Ainsi, 70% de la Gen Y souhaiterait que leur entreprise utilise le mécénat de compétences comme un outil de développement des compétences[6].
Le mécénat de compétences permettrait en effet de développer les compétences des collaborateurs. 91% des responsables RH interrogés pensent que ces programmes permettent de développer des compétences managériales[7], sans compter les bénéfices en termes de motivation, de communication et d’esprit d’équipe.
Un service précieux pour l’association permettant de répondre à l’évolution structurelle du bénévolat
Aujourd’hui, le secteur associatif français tire l’essentiel de son financement directement ou indirectement des subventions de l’Etat. L’évolution à la baisse des budgets publics qui s’annonce durable, ainsi que le renforcement de la concurrence sur le secteur non lucratif par la multiplication des acteurs compliquent et menacent parfois les actions associatives et les projets menés au sein de la société civile. Face à un public bénéficiaire large et divers, et à des problématiques économiques, sociales et environnementales complexes et persistantes, les associations expriment un besoin de compétences de plus en plus pointues[8] (communication, informatique, droit, comptabilité, logistique, etc.). Elles rencontrent également des difficultés à renouveler leurs bureaux et conseils d’administration, dont la lourdeur des responsabilités fait fuir les cadres dirigeants.
Grâce au mécénat de compétences, l’entreprise peut accompagner le secteur associatif dans les mutations que connait son management. Elle peut mettre son expérience au service d’une cause et augmenter son soutien en dehors des donations financières. En « aidant à aider », l’entreprise mécène démultiplie son engagement sociétal tout en valorisant ses ressources humaines. Elle fournit alors des compétences coûteuses auxquelles l’association n’aurait jamais pu accéder.
L’engouement des firmes anglo-saxonnes pour ce mécénat gagnant-gagnant : une vingtaine d’entreprises américaines donnent l’équivalent de 500 millions de dollars en pro bono.
En 2008, l’agence gouvernementale américaine Corporation for National and Community Services[9] lance la campagne A BILLION + Change[10] dont le but est d’encourager les entreprises à donner au secteur non-lucratif sur trois ans l’équivalent d’un milliard de dollars en services pro bono. Depuis, IBM s’est engagé à donner $250 millions, soit 1,7 millions d’heures sur la durée de la campagne. Microsoft est à 185 000 heures, Pfizer à 120 000, Ernst &Young à 115 000, UPS à 100 000. En juin 2010, la campagne a déjà permis d’engager les entreprises à hauteur de $500 millions[11].
Philanthropie mise à part, quels sont les retours attendus par IBM qui engage plus de 130 000 collaborateurs dans son programme On Demand Community, permettant ainsi de délivrer près de 7 millions d’heures pro bono[12] ?
En France, la méconnaissance du pro bono et de ses bénéfices pour l’entreprise demeure un frein à son développement.
Malgré les efforts de recherche anglo-saxons, consentis tant par le secteur privé que par le secteur non-lucratif pour vérifier empiriquement cette vertu, leurs conclusions ne semblent avoir traversé ni l’Atlantique ni la Manche. En France, l’incitation fiscale, pourtant inexistante aux Etats-Unis, n’a pas entraîné de prise de conscience. Les dirigeants d’entreprise, quand ils en connaissent l’existence, demeurent sceptiques quant à la valeur du pro bono pour l’organisation. La réticence du management ou l’absence de soutien demeure alors le premier frein au développement de l’implication des collaborateurs[13].
Pourtant, l’implication des collaborateurs dans des projets de mécénat de compétences améliore le travail en équipe et favorise la cohésion interne, maintient la motivation et l’implication dans l’entreprise et permet de mieux gérer les compétences et les carrières[14].
[1] En anglais, la locution « skill-based volunteerism » (SBV) englobe les deux notions.
[2] “Sustainable Strategies for Value Creation”, Consortium Report, The Performance Group
[3] “The State of Corporate Citizenship in the U.S,” The Center for Corporate Citizenship at Boston College, 2005
[4] “MBA Graduates Want to Work for Caring and Ethical Employers”, Stanford Graduate Business School, 2004
[5] “The 2006 Cone Millenial Cause Study”, Cone, 2006
[6] “Pro Bono Volunteering Research Report,” LBG Associates, 2009
[7] “Volunteer IMPACT Study”, Deloitte, 2007
[8] «Bénévolat et mécénat de compétences : quelles relations salariés/entreprises/associations», Le Rameau, 2009
[9] Agence fédérale américaine en charge du service civil
[10] Page internet dédiée à la campagne www.nationalservice.gov/about/initiatives/probono.asp
[11] Corporation for National Community and Service, communiqué de presse du 28.06.2010
[12] IBM, communiqué de presse du 24.03.2010
[13] “Bénévolat de compétences, une nouvelle forme de mécénat”, Volonteer, 2006.
[14] “Partenariat de solidarité : optimiser l’implication des collaborateurs”, IMS-Entreprendre pour la Cité, 2007.