Bénévole et volontaire : quelle différence ?


le 25 mars 2012 dans Pro Bono, Réflexions politiques et citoyennes, Volontaires - 4 Comments

Depuis quelques années, le terme « volontaire » apparaît de plus en plus souvent pour se substituer au terme « bénévole », certainement sous l’influence du terme anglais « volunteer ». Pourtant, ces deux termes ne sont pas équivalents. Quelle est l’histoire de ces deux mots ? Quelles sont les différences légales et d’usage ? Commençons par une petite plongée dans la langue latine …

« Bénévole », une particularité hexagonale face au « volontaire » européen

N’en déplaise à nos amis d’outre-manche, la langue anglaise est certes très influente de nos temps, mais ce n’est pas volontaire qui vient de volunteer (bénévole en anglais), c’est l’inverse ! C’est en effet au 17ème siècle que volunteer apparaît, dérivant du mot en moyen français « voluntaire », qui lui-même vient du latin voluntarius. Voluntarius a d’ailleurs donné volontario en italien et voluntario en espagnol. Alors que le terme « bénévole » (du latin « benevolus », bienveillant, dévoué) est bien plus utilisé en France que « volontaire », il est donc bien seul en Europe face aux mots dérivant du latin « voluntarius ».

Nos amis belges ont d’ailleurs choisi d’inscrire le terme  «volontaire» dans la loi plutôt que le terme « bénévole », pour être cohérent avec le choix fait par l’Union Européenne. Dans sa décision du 27 novembre 2009 relative à l’Année européenne du volontariat pour la promotion de la citoyenneté active (2011), le Conseil Européen précise en effet :

Tenant compte des spécificités de la situation de chaque État membre et de toutes les formes de volontariat, les termes «activités de volontariat» font référence à tous les types d’activités de volontariat, formelles, non formelles ou informelles, qui sont exercées par des personnes de leur plein gré, de leurs propre choix et motivation et sans objectif de gain financier. Ces activités sont bénéfiques au volontaire, aux communautés et à la société dans son ensemble. »  

Cette prise de position du Conseil ne définit pas légalement le volontariat dans les États membres et constitue une simple orientation qui laisse le libre choix à chacun.

« Bénévole » : une définition d’usage

En France, il n’existe aucune définition légale du bénévole, ni du volontaire d’ailleurs. La définition communément admise est celle du Conseil Economique et Social : « est bénévole toute personne qui s’engage librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial» (avis du 24 février 1993). Le volontariat n’est pas défini de manière générale dans la loi, ni le terme volontaire, mais les formes de volontariat sont définies par les textes de loi : par exemple le volontariat de solidarité internationale ou le volontariat de service civique.

En l’absence de définition commune de « volontaire », quelles différences pouvons-nous avancer ? La définition commune du bénévole met en avant non seulement le but de l’action « en direction d’autrui », mais aussi son cadre « en dehors de son temps professionnel et familial ». Lorsque nous nous référons à l’étymologie, voluntarius désigne une personne « qui agit librement ». C’est donc le principe même de l’action, celui de la volonté, qui importe, non son cadre. Un bénévole est ainsi un volontaire, puisqu’il s’engage librement pour une cause, mais le volontaire ne saurait se réduire au statut bénévole : un salarié qui décide de s’engager pour une association sur son temps de travail au travers d’un dispositif de mécénat de compétences est lui aussi un volontaire puisque c’est par volonté propre qu’il s’engage au profit d’une association.

La volonté, ou faire le choix libre de son action

Le volontaire peut ainsi être bénévole, salarié en mécénat de compétences ou particulier engagé dans un dispositif de volontariat : peu importe s’il réalise son action sur son temps de travail, son temps professionnel ou familial, peu importe s’il est rémunéré ou non, seule compte la liberté de son action. Le volontaire n’a pas à supporter de lien de subordination, et même s’il peut gagner une rémunération dans certains cas, ce n’est pas elle qui constitue sa motivation.

Un des avantages du terme « volontaire » est de pouvoir s’appliquer aux personnes, de plus en plus nombreuses, qui soutiennent une association à moitié sur leur temps personnel et sur leur temps professionnel (via le mécénat de compétences). L’engagement de ces personnes ne change pas selon l’heure, il est toujours le même et mérite donc un terme qui le met en valeur.

Le terme « bénévole » pourrait aussi remplir ce rôle, puisqu’il signifie « bonne volonté » : en quoi s’engager librement sur son temps professionnel ou familial n’est pas de la « bonne volonté » ? En quoi recevoir un contre-don (indemnité par exemple) de son don n’est-il pas « bon » ? Cependant, la définition est bien ancrée dans les esprits et exclue toute contrepartie financière. Certains répondront qu’une action bénévole doit être désintéressée dans son intention et son résultat, quand d’autres retiendront le  seul désintérêt dans l’intention mais une recherche d’impact social, et d’autres encore admettront l’intérêt personnel à réaliser une action volontaire pourvu qu’il soit secondaire. Le débat est lancé …

Pour prolonger la réflexion, l’article Qui sont les volontaires pro bono aborde la place des volontaires face aux concepts de bien public et d’intérêt général.

Crédit photo : Route 66, west of Seligman par Peter Thody, sous licence Creative Commons.

Source : Décision du 27 novembre 2009relative à l’Année européenne des activités de volontariat pour la promotion de la citoyenneté active (2011) (2010/37/CE) 

4 Comments on "Bénévole et volontaire : quelle différence ?"
  1. Frank Seidel 23 avril 2012 à 7 h 30 min · Répondre

    C’est une contribution intéressante à la discussion « Faut-il dire bénévole ou volontaire? »

    En tant que directeur d’une organisation de volontariat, j’observe que de plus en plus une autre distinction est utilisée: bénévole/bénévolat pour ce qui se passe dans le pays de résidence (par exemple en France) et volontaire/volontariat pour ce qui se passe en dehors des frontières. C’est ce que nous constatons dans notre travail quotidien, mais même l’état français adopte cette position. Ainsi, l’organisme chargé de promouvoir l’engagement en France s’appelle France Bénévolat (http://www.francebenevolat.org/) tandis que l’organisme chargé de promouvoir l’engagement à l’étranger s’appelle France Volontaires (http://www.france-volontaires.org/).

    Ce dernier liste d’ailleurs explicitement des activités non-rémunérées comme « Volontariat d’initiation et d’échange » ou « Volontariat d’échange et de compétences » (http://www.france-volontaires.org/-Les-Volontaires-Internationaux-d-.html) – pour ceux qui croient encore à la distinction rémunéré vs. non-rémunéré.

    Il reste aussi à noter que c’est vraiment une discussion purement franco-français. En Belgique par exemple la Plate-forme francophone du volontariat dit : « Volontaire ou bénévole, c’est chou vert et vert chou ! » (http://www.levolontariat.be/enjeux/loi/2/le-volontariat-dans-la-loi)

  2. Yoann KASSI-VIVIER 25 avril 2012 à 8 h 59 min · Répondre

    Bonjour Frank, merci pour votre message et cette ouverture sur la loi belge à contre-pied de notre cadre juridique français pour les formes de volontariat.
    De notre côté, aux contacts des volontaires pro bono, nous nous apercevons qu’ils accordent peu d’intérêt à la distinction volontaire/bénévole (peut-être parce que les bénévoles se sentent naturellement volontaires ?)
    Pour la distinction par le critère géographique de l’implication, la tendance que vous observez est intéressante, mais n’est-elle pas remise en cause par la sémantique utilisée par des organisations comme Unis-cité qui travaillent beaucoup en France et appellent les jeunes en service civique mais aussi les salariés de leurs entreprises partenaires, les « volontaires ».
    Au final, le terme « volontaire » nous apparaît comme un terme plus générique que « bénévole », car ce dernier exclut finalement les nouvelles formes d’engagement citoyen (encadrées, sur le temps de travail, rémunérée a minima, etc.)
    Au plaisir d’échanger,
    Yoann

  3. Firvu 5 août 2012 à 13 h 13 min · Répondre

    Bonjour,

    Pour moi, et suite à une synthèse de l’emploi de ces deux termes dans le monde associatif français, il ne s’agit pas d’une question de sol français / étranger, il ne s’agit pas non plus d’une question de rémunération car beaucoup de postes de volontaires ne sont pas rémunérés, il ne s’agit pas d’une question d’indemnisation car beaucoup de bénévoles sont aussi indemnisés de leurs charges lors de l’exercice de l’activité bénévole.
    Il s’agit en fait de savoir si la personne agit pour le compte de l’organisme (association, …) dans un cadre contractualisé ou non. Un bénévole ne s’engagera jamais contractuellement à réaliser sa part du travail, et il effectuera cela sur son temps libre (notion du CES), tandis qu’un volontaire intervient sous contrat et sur une durée (quotidienne, hebdo…) plus importante.

    Qu’en pensez-vous ?

  4. admin 12 août 2012 à 16 h 31 min · Répondre

    Bonjour Firvu,
    Merci pour la contribution. Effectivement, la différence bénévolat/volontariat s’appuie principalement sur le degré de contractualisation. Le bénévolat n’ayant pas de statut juridique contrairement au volontaire.
    Cependant, on voit apparaître de plus en plus de formes hybrides qui bousculent la sémantique :
    – les salariés qui, sur leur temps de travail, aident une association très ponctuellement. Logiquement, on devrait les appeler « volontaires » car ce ne sont pas des bénévoles. La plupart du temps, ils sont appelés « salariés en mécénat de compétences » ou « salariés volontaires ».
    – les étudiants qui, dans le cadre de leurs cursus académiques, accompagnent une association, en contrepartie, ils reçoivent des crédits ECTS et valident donc une partie de leur formation. Logiquement, ils ne sont pas « bénévoles » non plus, mais plutôt volontaires.
    – le bénévolat lui-même tend à devenir plus contractuel : les attentes des bénévoles vis-à-vis de leur engagement grandissent, ils veulent également délimiter clairement le cadre de leur intervention (ils n’ont pas beaucoup de temps !) – lire l’excellente étude : http://www.fonda.asso.fr/Interets-d-etre-benevole.html
    Au final :
    – le bénévolat est exclusif de certaines formes d’engagement plus contractuelles (mécénat de compétences, bénévolat des étudiants sur leur temps d’étude, etc.)
    – le « volontariat » est devenu un terme juridique multi-forme et, on peut le dire, rigide
    Il me semble que l’on doit se réapproprier le terme « volontaire » suffisamment large pour couvrir des formes d’engagement plus large que celui des jeunes en service civique.

    Et puis, que serait-un bénévole qui ne se porte pas volontaire ? =)

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