La communication est un métier souvent décrié : ces dernières années, les publicitaires ont été considérés comme des sbires du consumérisme. Leur travail de création et le levier indispensable qu’ils apportent à certaines initiatives ont trop peu été mis en lumière. Pour Jean-Pierre Séguret, président de DDB France, il était donc nécessaire de redonner du sens au travail de ses collaborateurs. Troisième groupe de communication en France, DDB compte 1600 salariés. Vous connaissez certainement sans le savoir certaines de ses campagnes : « le répertoire » pour Bouygues Télécom ou « l’expert » pour la Polo de Volkswagen.
Groupe SOS – Le pot de départ : campagne de communication réalisée en mécénat de compétences par DDBshare pour le Groupe SOS
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Après une rencontre avec Planète Urgence, Jean-Pierre Séguret avait tout d’abord proposé le congé solidaire à ses salariés. Le projet avait alors rencontré un vif engouement: sur plus de 800 salariés, 150 se déclaraient intéressés. Par la suite, une quinzaine de personnes partira en congé solidaire, soit près de 2% des effectifs. Le premier pas était fait : suite à ce succès, DDB France décide de créer DDB Share.
DDB Share est un fonds de dotation dont le but est de soutenir l’entrepreneuriat social. C’est un véritable projet d’entreprise qui implique des salariés du groupe dans des missions de mécénat de compétences auprès d’entrepreneurs sociaux. Cette démarche collective et transversale est animée par une équipe permanente de trois personnes. Pourquoi avoir choisi l’entrepreneuriat social ? Au-delà du fait de partager cet esprit entrepreneurial, DDB a été séduit par le principe même de l’entrepreneuriat social : porter des projets empreints de sens, tout en étant économiquement viables. DDB a aussi inscrit la créativité au sommet de ses valeurs, et trouve dans les initiatives de l’économie sociale et solidaire un moyen de rencontrer et d’exprimer cette créativité.
Aujourd’hui, DDB Share a soutenu ou soutient une dizaine de projets sélectionnés avec le concours de spécialistes de l’entrepreneuriat social que sont Ashoka, le Groupe SOS, La Ruche, l’ADIE et le Réseau Entreprendre. Au total, cela représente environ 5000 heures de mécénat de compétences, réparties sur 150 collaborateurs impliqués. Ces heures ne sont pas comptées à la minute et seulement partiellement défiscalisées – l’argument fiscal est un plus en bout de course, mais n’a pas joué réellement dans la décision de s’engager. L’entreprise travaille en fait pour les entrepreneurs sociaux qu’elle soutient comme elle travaillerait pour ses clients, et les collaborateurs passent parfois plus de temps que prévu sur les projets ou le font hors des heures allouées. En contrepartie, ils doivent avoir la même rigueur, la même exigence de résultat, et surtout fournir le même effort de créativité pour le bénéficiaire : certains projets réalisés auraient été vendus normalement entre 80.000 et 100.000 euros. Les programmes pro bono de DDB ont cette particularité qu’ils ne sont pas basés sur le volontariat : un salarié peut être affecté sur un projet pour un entrepreneur social sans qu’il en fasse la demande. D’après M. Séguret, cela ne pose pas problème et ces projets sont toujours bien acceptés car le critère principal de sélection de l’équipe sur un projet est la compétence du salarié. A titre d’exemple, la Petite Reine et Vélobar, une micro-franchise de l’Adie, sont des initiatives qui ont bénéficié de l’expertise en communication des salariés de DDB.
L’objectif premier de l’engagement de DDB était de faire du bien à ses collaborateurs en redonnant du sens à leur travail. Jean-Pierre Séguret avait constaté une demande croissante de projets solidaires au sein de ses équipes, et même des départs en hausse de ses collaborateurs pour le secteur non-lucratif. Le mécénat de compétences s’est avéré une manière très efficace en termes de coût pour remporter cet enjeu de ressources humaines. Plus encore, on peut s’attendre à des effets bénéfiques en termes d’image, même s’ils ne sont pas le premier objectif : pour l’instant, DDB préfère faire.
Enfin, leur pratique pro bono de la communication permet aux salariés de DDB de se retrouver dans un contexte inhabituel. Les bénéficiaires n’ont pas les mêmes attentes que les clients habituels. Le métier reste le même, mais son optique est différente, et son prolongement aussi. Ainsi, ils apprennent à faire des campagnes « économes », et à trouver des moyens de diffusions à la portée de ces clients aux moyens réduits : rien ne sert de produire un spot destiné à la télévision pour quelqu’un qui ne pourra pas acheter d’espace. Ces contraintes de travail nouvelles, dans une ambiance de créativité, semblent être un bon levier d’innovation : les salariés inventent et apprennent une manière de travailler différemment. Que faut-il de plus pour convaincre d’autres entreprises que le pro bono est un véritable échange, où l’association et l’entreprise s’enrichissent ?