Une association peut-elle réaliser des bénéfices ?

Le fondement de l’association est sa gestion désintéressée, et ce désintérêt a souvent été traduit, à tort, comme l’interdiction de réaliser des bénéfices. Rien dans la loi de 1901 relative au contrat d’association ne l’interdit. D’où vient cette tradition des budgets parfaitement équilibrés entre charges et produits dans les associations et son corollaire, les bénéfices minimes des associations ?

Le fondement de l’association : la non-redistribution des bénéfices

L’article 1er de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association définit cette dernière comme

La convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’un façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. »

Autrement dit, contrairement à une société qui distribue une partie de ses bénéfices sous forme de dividendes à ses actionnaires, les bénéfices d’une association sont impartageables et restent dans la structure. Cette non redistribution des bénéfices est la traduction du principe de gestion désintéressée, elle prévaut toute la vie durant de l’association, même à sa mort : si l’association est dissoute, tous ses biens sont dévolus à une association dont l’objet est le plus proche du sien. Si jamais une association partage ses bénéfices, elle est alors requalifiée en société (civile ou commerciale) et perd sa personnalité morale, qui ne peut pas se prolonger dans celle d’une société. Les sociétaires deviennent associés de fait et sont donc tenus personnellement à l’égard des tiers. 

Une association peut être fondée en vue de tout objet, à condition qu’il ne soit pas « illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du Gouvernement ». L’objet unique de l’association ne peut pas être non plus la réalisation d’économies profitant aux seuls sociétaires, car cela est contraire au principe de gestion désintéressée. Par ailleurs, poursuivre « un but autre que de partager des bénéfices » n’interdit pas d’en réaliser.

La définition de la non lucrativité d’une association selon la fiscalité française

Les associations à but non lucratif peuvent être, sous certaines conditions, exonérées des impôts commerciaux (impôts sur les sociétés et TVA). Aucun texte n’exonère fiscalement l’association en fonction de sa seule forme juridique. Elle doit répondre à 3 conditions, réunies dans l’instruction fiscale 4 H-5-06 N° 208 du 18 décembre 2006 relative au régime fiscal applicable aux organismes sans but lucratif. 

Ces trois conditions sont :
– La gestion de l’association est désintéressée et
– L’association ne concurrence pas le secteur commercial
– Ou ses conditions d’exercice de l’activité sont différentes de celles d’entreprises commerciales qu’elle concurrence (règle « des 4 P » : le « Produit » proposé par l’organisme, le « Public » visé par l’organisme, le « Prix » pratiqué et les opérations de communication réalisées « Publicité »).

Bien plus que ces 3 conditions, c’est leur mode d’application qu’il faut étudier pour comprendre pourquoi il est communément admis qu’une association ne doit pas réaliser de bénéfices. En effet, les 3 conditions sont appliquées activité par activité. Ainsi, certaines activités de l’association seront considérées comme non lucratives (celles qui répondent aux 3 critères), et d’autres comme lucratives. Si toutes les activités exercées par l’association sont non lucratives, cette dernière n’est soumise à aucun impôt commercial. Si l’association conduit des activités lucratives et d’autres non lucratives, elle est imposée uniquement sur ses activités lucratives tant que ces dernières sont minoritaires par rapport à ses activités non lucratives. Ainsi, nous pourrions résumer la position de l’administration fiscale comme suit : une association peut mener des activités lucratives tant qu’elles ne dépassent pas 50% de ses activités, sinon elle est entièrement imposée comme n’importe quelle société.

La réalisation de bénéfices, un moyen d’augmenter son impact social

Les subventions publiques diminuant, les associations ont  besoin de renforcer leurs fonds, et la réalisation de bénéfices est un des moyens à leur disposition pour constituer des réserves. Une association n’aura jamais vocation de réaliser du profit pour réaliser du profit, puisque ce profit est, de par la nature juridique de l’association, impartageable : quel intérêt y aurait-il à accumuler des réserves mirobolantes ? Par contre, pouvoir constituer des réserves qui serviront à développer l’activité, et à parer certains risques, cela donnerait un vrai coup de pouce aux associations.

Certes à l’heure actuelle rien n’empêche une association de conduire des activités majoritairement lucratives ; elle est donc imposée sur l’ensemble de ses activités. D’ailleurs certains entrepreneurs sociaux sont fiers de réussir au même titre que des entreprises du secteur marchand sans bénéficier de « faveur » fiscale. Néanmoins, pourquoi ne pas taxer uniquement les activités lucratives de associations, quelque soit la répartition entre activités lucratives et activités non lucratives ? Cela maintiendrait la juste concurrence avec les sociétés commerciales, tout en décomplexant les associations.

En attendant une éventuelle réforme, à la fois de la fiscalité et des mentalités, les associations ne doivent pas hésiter à mener des activités lucratives : la réalisation de bénéfices, bien que ce ne soit pas le but de l’association, est un des moyens qui lui permettent d’assurer sa pérennité et de développer ses activités, et donc d’augmenter son impact social.

1 :  Pour en savoir plus sur la définition de la lucrativité des activités d’une association : Conditions posées par les instructions fiscales 4 H–5-98 du 15 septembre 1998 et 4 H-1-99 du 16 février 1999,  confirmées par le Conseil d’Etat notamment dans sa décision du 1er octobre 1999 pour l’association Jeune France

Crédit photo : Galets par Nessy DuLoch, sous licence Creative Commons.

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