Le secteur de l’économie sociale et solidaire a le vent en poupe et suscite de plus en plus l’intérêt des français. Cependant, il apparait antinomique sur plusieurs aspects : si l’ESS est un marché dynamique qui attire les jeunes, le manque d’informations et les idées reçues à son sujet peuvent empêcher les étudiants de s’y engager professionnellement. Malgré ces différents obstacles, la quête de sens prend de plus en plus d’ampleur dans l’esprit de la génération Y qui souhaite désormais combiner son parcours professionnel avec son désir de solidarité.
La perception des jeunes de l’économie sociale et solidaire
Aujourd’hui, 435 490 jeunes travaillent dans l’ESS, soit 8,6% de l’ensemble des salariés de moins de 30 ans. Ils représentent près de 19 % de l’ensemble des salariés de l’économie sociale et solidaire selon une étude du Conseil National des Chambres Régionales de l’Economie sociale et solidaire (CNCRES) de 2013 [1]. Si la part des moins de 30 ans au sein des structures de l’ESS est en diminution (–2,8 points), elle demeure malgré tout dynamique avec une augmentation de 0,7% dans l’emploi total des salariés de moins de 30 ans si l’on compare l’ESS au reste du secteur privé et du public sur la période 2008-2010. Un mouvement positif pour l’emploi des jeunes qui tend à progresser encore davantage, puisque la pyramide des âges est vieillissante dans le domaine.
Le secteur de l’ESS constitue ainsi une véritable manne d’emplois pour la jeunesse, population particulièrement touchée par le chômage de masse (24,3% des jeunes de 15 à 24 ans étaient au chômage fin 2015 en France, selon l’INSEE [2] ). D’autant plus que le domaine intéresse particulièrement la jeunesse, comme le démontre la récente étude réalisée par le Boston Consulting Group, la Conférence des Grandes Ecoles (CGE) et Ipsos et publiée dans le cadre du Prix de l’entrepreneur social [3]. Parmi les résultats, on note que 50% des étudiants des grandes écoles sondés souhaiteraient travailler dans l’économie sociale et solidaire : un chiffre qui traduit un véritable engouement de cette génération pour le domaine. Elle fait d’ailleurs passer le critère de « la quête de sens » avant la « rémunération » dans le choix de son futur métier. L’étude révèle également que 65% des sondés recherchent en premier lieu un travail qui a un impact sur l’intérêt général, et 54% un travail qui améliore la vie des gens… Nul doute que la future génération de travailleurs sera pleine de salariés engagés et d’entrepreneurs sociaux !
Un marché dynamique et porteur d’opportunités encore méconnu
Malgré cet engouement de la jeune génération, pourquoi n’observe-t-on pas un véritable mouvement en direction de l’emploi dans le secteur de l’ESS ? On constate qu’il existe de nombreux freins chez les étudiants et futurs salariés qui court-circuitent cette dynamique ascendante, dont une méconnaissance du secteur qui s’explique principalement par un manque d’information des parties prenantes. Des idées reçues sur l’ESS comme l’image d’un secteur qui manque de stabilité pénalise la vision de la filière, comme le souligne l’étude intitulée « La perception des jeunes sur l’emploi dans l’économie sociale et solidaire » de l’AVISE/CESOD [4]. Les difficultés des professionnels à communiquer et à valoriser les atouts de l’ESS sont d’autant plus dommageables que le secteur est en fort renouvellement et tend à être vecteur d’embauches important, comme le souligne le CNCRES [1]. En effet, plus d’un quart des effectifs du secteur vont partir à la retraite d’ici 2020, ce qui va se traduire par un fort besoin de cadres : plus du tiers de l’encadrement de l’ESS devrait être renouvelé d’ici 10 ans. Pour ce qui concerne les postes nécessitant moins de qualifications, 270 000 projets de recrutement par an sont prévus par les entreprises selon des données BMO citées dans une étude du CREDOC [5]. Le dynamisme du marché est aussi souligné par l’enquête du CNCRES qui nous révèle que 43% des structures vont libérer ou créer des postes d’ici les cinq prochaines années.
Quels sont les leviers à activer pour booster le secteur et favoriser la rencontre jeunes/employeurs ?
Donner un coup de boost au secteur… une nécessité ! La sphère publique l’a bien compris et est déjà engagée dans ce sens, notamment à travers le programme Jeun-ESS mis en place par l’Etat. Son ambition est de promouvoir le domaine de l’économie sociale et solidaire auprès des jeunes. Des actions très concrètes ont déjà vu le jour comme la « boite à outils Jeun-ESS » permettant de référencer et mutualiser les supports de sensibilisation des jeunes à l’ESS. Un webzine intitulé Say-Yess a également été crée afin de mettre en lumière les initiatives innovantes du secteur et inciter les jeunes à passer à l’action. Les porteurs de projets innovants ne sont pas oubliés puisque le programme Jeun-ESS organise aussi un appel à projets. À noter que le dispositif a aussi vocation à servir d’intermédiaire entre les jeunes et les employeurs à travers l’organisation du « Forum Emploi Jeun’ESS ». La dernière édition en 2013 avait été un vrai succès avec 3000 jeunes participants et 27 recruteurs autour de centaines de postes à pourvoir.
Cette volonté de rapprochement entre les jeunes talents et le monde de l’entreprise est aussi portée par l’atelier Ile-de-France de l’économie sociale et solidaire par le biais du Programme SUCCESS ! À travers ce dispositif, l’Atelier propose aux jeunes en recherche d’orientation ou d’emploi des ressources et des animations (formations, stages) pour découvrir de nouveaux modèles d’emploi et d’entrepreneuriat. La structure multiplie aussi les partenariats afin de former des « intermédiaires ». En effet, les professionnels de l’orientation et de l’insertion manquent également de connaissances sur le secteur alors qu’ils ont un rôle crucial dans l’information des étudiants durant leur parcours scolaire. Pour faire face à cette problématique, l’atelier Ile-de-France a décidé de mener des actions de formation. L’organisme a aussi réalisé l’étude avec l’AVISE en 2013 et 2014 intitulée « L’économie sociale et solidaire recrute ! » auprès des professionnels de l’insertion professionnelle [6].
Les professionnels ont un grand rôle à jouer dans la dynamique du secteur. Pour cela, ils doivent favoriser la mise en place d’outils comme le démontre l’étude menée en 2013 sur l’emploi des jeunes dans l’ESS par le cabinet Amnyos et pour le compte de l’UDES (Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire) [7]. Parmi les dispositifs à actionner, la formation des employeurs de l’ESS sur les processus RH apparait comme primordiale. Le renforcement de la présence de l’UDES au sein des instances institutionnelles nationales de représentation serait aussi judicieux pour renforcer la place de l’ESS dans le monde professionnel. Un objectif qui comporte de nombreux obstacles comme le souligne Guillaume Chocteau de Ressources Solidaires dans son article « Le patronat de l’économie sociale cherche sa place »… Alors que le secteur compte 1,2 millions de salariés répartis dans plus de 70 000 entreprises et que l’UDES revendique 25 syndicats professionnels et 14 branches, la structure est confrontée à des difficultés pour peser dans le dialogue social notamment sur le récent sujet de la réforme du travail orchestré par la Ministre du travail Myriam El Khomri. Une des clefs d’amélioration pour les professionnels qui ressort aussi de l’enquête de l’UDES-Amnyos est l’intérêt d’organiser un dialogue territorial régulier entre les acteurs du milieu. L’objectif de ces rencontres serait d’élaborer des conventions partenariales pour un meilleur partage des outils et des informations. Si la route est encore longue vers un accès et une information optimale autour des métiers de l’ESS, la dynamique portée par les professionnels mais aussi par la sphère publique est définitivement enclenchée pour toucher les jeunes !
Références des études citées :
[1] « L’emploi des jeunes dans l’économie sociale et solidaire » – CNCRES, juin 2013
[2] « Le taux de chômage diminue de 0,1 point au quatrième trimestre 2015 » – INSEE, 3 mars 2016
[3] « Talents : ce qu’ils attendent de leur emploi. Et si l’Economie Sociale et Solidaire était une solution ?» – Ipsos, la Conférence des grandes écoles (CGE) et le Boston Consulting Group (BCG), janvier 2016
[4] « La perception des jeunes sur l’emploi dans l’économie sociale et solidaire » – l’AVISE/CESOD, avril 2014
[5] « Etude des besoins en main-d’oeuvre dans le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS) » – CREDOC, janvier 2013
[6] « L’économie sociale et solidaire recrute ! » – l’AVISE/Jeun’ESS, septembre 2014
[7] « Politiques publiques : conditions de développement de l’emploi dans l’économie sociale et solidaire » – UDES/Amnyos, janvier 2014
Corentin Roussel, Chargé de sensibilisation et de valorisation du pro bono chez Pro Bono Lab