Les associations sont mises à rude épreuve avec la réduction des subventions publiques. Elles sont donc nombreuses à chercher un nouveau modèle économique. Or la faiblesse de leurs fonds propres (les ressources financières durables dont elles disposent pour financer leurs activités) les privent d’un matelas de sécurité qui leur permettrait de rebondir plus facilement, par exemple en finançant des investissements, ou en leur donnant le temps de se retourner (financement du risque). Quels sont les outils à disposition des associations pour renforcer leurs fonds propres et quelles en sont les limites ?
Constituer des fonds propres est nécessaire à une association
Les associations, comme toute organisation réalisant une activité économique, ont besoin de fonds propres (ou pour être plus précis de fonds associatifs[1]) pour :
- Financer leurs investissements, du moins en partie, notamment leurs projets de recherche et développement
- Faire face aux risques
- Pouvoir emprunter auprès des banques (un des critères d’octroi du prêt porte sur le montant des fonds propres).
- Financer leur Besoin en Fonds de Roulement (BFR) : comme de nombreuses entreprises, les associations décaissent les charges liées à leurs activités (salaires notamment) avant d’encaisser les produits liés à ces mêmes activités (délai pour recevoir les subventions, ou délai de paiement pour les clients). Elles avancent donc en quelque sorte de l’argent, ce qui correspond à un besoin de financement.
Apports en numéraire et titres associatifs : des outils limités
En association, il n’est pas possible de lever des fonds à strictement parler, la notion de capital n’existant pas. Il est possible néanmoins possible de réaliser un apport en numéraire avec reprise[2]. Par exemple, si une personne réalise un apport de 5000€ à l’association pour trois ans, alors trois ans après elle reprendra ses 5000€, pas un euro de plus. Par une application stricte du principe de non-lucrativité, la reprise des apports se fait en effet uniquement à la valeur nominale de l’apport. Il n’est pas même possible de rémunérer les apports à hauteur du taux d’inflation.
Or avec l’inflation, ces 5000€ représentent un pouvoir d’achat inférieur à ce qu’ils représentaient 3 ans auparavant. L’attractivité financière n’est pas seulement nulle, elle est même négative. Ainsi, les personnes qui réalisent des apports vont se limiter aux personnes proches de l’association, prêtes à « perdre » de l’argent.
Une association peut émettre des obligations, appelées titres associatifs, qui eux par contre peuvent être rémunérés à hauteur du taux moyen de rendement des obligations privées, majoré d’une rémunération définie par arrêté du ministre chargé de l’économie, qui ne peut excéder trois points. Cependant, ces obligations ne peuvent être émises qu’après deux ans d’exercice d’activités commerciales, ce qui exclut les associations qui débutent. Par ailleurs, s’il est fait un appel public à l’épargne, l’émission est alors soumise au contrôle de l’Autorité des marchés financiers. Si elle est d’un montant supérieur à 38 000 euros, elle est en outre subordonnée à l’autorisation préalable du ministre chargé de l’économie. De nombreuses contraintes qui font dire à la Fonda :
La loi du 11 juillet 1985 créant le titre associatif n’a pas atteint son objectif de substitut au capital, sans doute en raison de l’absence totale d’intérêt pour le souscripteur (risque, remboursement aléatoire, faible rémunération, absence de plus-value) et de la grande complexité de mise en œuvre pour l’émetteur.« [3]
La tradition du mécénat et des subventions : ne pas financer les fonds propres
Par ailleurs, les bailleurs de fonds (publics et privés) veulent financer uniquement les coûts des projets menés par une association, et non la constitution de ses réserves : financer un projet est concret, tandis que financer les fonds propres ne semble pas utile, comme si l’association ne pouvait pas connaître de cycle d’investissement, comme si elle n’avait pas d’investissements ni de BFR à financer, comme si elle n’était soumise à aucun risque. Ainsi, le mécénat et les subventions d’investissements ne sont jamais destinés à aider les associations à constituer leurs fonds propres.
La réalisation d’excédents, seul levier pour diminuer l’endettement bancaire
Or les associations ont une palette restreinte de possibilités pour constituer leurs fonds ou quasi-fonds :
- Accueillir des apports ;
- Emettre des titres associatifs ou obligations, prêts participatifs[4] et titres subordonnés (quasi fonds propres) ;
- Recevoir du mécénat, des subventions d’investissement, ou des financements venant de fonds de dotation ;
- Réaliser et accumuler des excédents ;
- Emprunter à long terme (quasi fonds propres) ;
De ces outils, nous venons de constater que les trois premiers ne permettaient pas aux associations de rassembler des fonds durables à hauteur de leurs besoins. Ainsi, « la réalisation d’excédents générés par l’exploitation elle-même de l’association est le point de passage obligé »[5]. Constituer des fonds propres n’est donc pas impossible en association, mais ne peut se réaliser dans l’état actuel des choses que petit à petit, année par année, et nécessite une activité commerciale rentable.
Or toute association ne peut pas mener une activité commerciale assez rentable pour accumuler des sommes significatives. Pour un bon nombre d’associations, les bénéficiaires sont très peu ou pas solvables et aucune autre partie prenante ne souhaitent payer pour eux plus que le coût de l’activité. De très nombreuses associations sont donc contraintes de contracter des prêts auprès des banques (comme de très nombreuses entreprises d’ailleurs), et on arrive donc à la contradiction suivante, exprimée par Alain Lipietz :
[…] les règles de “ non-lucrativité ”, qui accompagnent en général les singularités fiscales, interdisent de rémunérer ces fonds propres. Donc les associations ont recours au crédit bancaire, qui est particulièrement cher pour les entreprises fragiles. Paradoxalement, la “ non-lucrativité ” pousse à rémunérer fortement les fonds apportés par les banques privées ! »[6]
Pour répondre aux besoins de fonds propres des associations, la première étape est de sensibiliser les différentes parties prenantes à cet enjeu afin qu’associations, mécènes et bailleurs de fonds publics notamment puissent connaître les solutions à leur disposition. La deuxième étape est d’élargir ces solutions possibles. La Fonda propose notamment de favoriser l’accès des associations aux outils bancaires, d’ouvrir le mécénat aux enjeux de constitution des fonds propres, et de renforcer les outils de mobilisation de l’épargne des particuliers et des entreprises pour un investissement sociétal.
Pour en savoir plus :
L’interview de Yannick Blanc, Président de la Fonda, dans les Entretiens de la CPCA : “Un nouveau modèle économique associatif est à inventer”
La note de la Fonda sur les fonds propres des associations[7].
Le guide réalisé par France Active (CNAR financement) sur les fonds propres associatifs[8].
[1] Les fonds propres étant dans les associations une partie des fonds associatifs
[2] Un apport n’est pas un don car il doit y avoir une contrepartie (par exemple que l’association mène tel projet, ou que l’apporteur soit administrateur), mais pas une contrepartie en argent.
[3] [5] [7]La Fonda, Renforcer le développement des associations par la consolidation de leurs fonds propres et la réalisation d’excédents, juillet 2009. http://www.fonda.asso.fr/IMG/pdf/Note_finale_Fonds_propres.pdf
[4] Titres subordonnés de dernier rang.
[6] Alain Lipietz, L’opportunité d’un nouveau type de société à vocation sociale, tome 1, Rapport relatif à la lettre de mission du 17 septembre 1998 adressée par Madame Aubry, Ministre de l’Emploi et de la Solidarité
[8] Guide Association et fonds propres, 2ème édition, CNAR Financement. http://www.franceactive.org/upload/uploads/File/ressources_documentaires/113312_fonds_propres_2eme_version_web.pdf