Rendre l’investissement social efficient grâce aux structures intermédiaires

change-20272_640Business Week assurait dans un article du 30 novembre 2003 qu’il était indispensable « d’apporter à la philanthropie la rigueur propre au monde des affaires»[1]. De nombreux termes ont d’ailleurs fleuri ces dernières années pour évaluer le retour sur investissement d’un don ou d’une action de mécénat ou de philanthropie : social return on investment (SROI), impact investing, social accounting, etc. En effet, les donateurs et les entreprises mécènes veulent s’assurer que leurs actions et leurs dons sont efficaces, qu’ils ont un réel impact pour les bénéficiaires et sur la société. L’analogie avec le marché dans le cadre de la philanthropie se développe ainsi très rapidement et on constate l’émergence dans la littérature d’un marché des capitaux sociaux.

L’inefficience du marché des capitaux sociaux

Le marché des capitaux sociaux désigne l’ensemble des capitaux provenant du secteur privé à destination du secteur social. Mais d’après les premières études dans les pays anglo-saxons, il s’avère que le marché des capitaux sociaux est inefficient et ne garantit que trop rarement aux entreprises mécènes et aux donateurs un réel impact de leurs dons et actions , ou alors a un coût élevé voire prohibitif. L’efficience, dans la théorie économique, est définie selon quatre critères: 
1. L’absence de coût de transaction, à savoir l’absence de coûts liés à la recherche d’informations, à la négociation, etc. 
2. Un flux d’informations robuste et disponible pour toutes les parties prenantes
3. Une allocation de la valeur créée vers les activités où elle sera maximisée
4. La flexibilité et la réactivité des agents. 

Sur le marché des capitaux traditionnels, les coûts de transaction sont très faibles, l’information est assez facilement et rapidement accessible par les entreprises et les investisseurs, les transactions sont relativement flexibles et réactives. Sur ces marchés, les entreprises dépensent entre 2 et 4 $ pour lever 100 $ de capitaux. Sur le marché des capitaux sociaux, pour lever 100 $, cela coûte à l’entrepreneur social entre 10 et 24 $ [2]. soit près de dix fois plus ! L’enjeu est donc le suivant : trouver un moyen plus efficace pour mettre en relation mécènes et bénéficiaires afin de faire baisser les coûts de transaction et donc améliorer l’efficience de l’aide et l’impact sur les bénéficiaires.

La solution des intermédiaires 

mainsIl s’avère que le développement d’intermédiaires du marché des capitaux sociaux est la meilleure solution. Comme en finance classique, les intermédiaires sont indispensables sur le marché des capitaux sociaux. En reliant efficacement les donateurs et les investisseurs avec les bénéficiaires, les intermédiaires font baisser les coûts de recherche d’information et d’évaluation. Ils facilitent la convergence d’intérêts et garantissent ainsi un résultat efficace et satisfaisant pour les bénéficiaires. Ainsi, la coopérative Société Pour une Epargne Activement Responsable (SPEAR) permet à des organisations désireuses de mener à bien un projet responsable d’obtenir un prêt bancaire avantageux auprès d’épargnants soucieux de la destination de leur argent. SPEAR permet donc l’épargne solidaire et l’investissement éthique[3]. Nicolas Dabbaghian, un des deux co-fondateurs de SPEAR, est parti « d’un constat de base : le manque de transparence bancaire. On ne sait pas pourquoi on épargne, on ne sait pas où va l’argent ». Le système de SPEAR, dans lequel on choisit le projet qui va être financé grâce à notre épargne, permet plusieurs choses : « il facilite l’accès au financement, notamment grâce à une forte communication sur les projets», mais il rend également possible « une validation du projet avant de le lancer ». Cela permet, de manière systématique, « d’améliorer l’efficacité et l’impact de l’investissement effectué ». Un autre exemple de réussite : The Acumen Fund. Cette association américaine est un fond d’investissement responsable : «nous essayons de démontrer la force d’utiliser des approches basées sur les marchés afin de résoudre le problème de la pauvreté »[4]. 

Chez Pro Bono Lab, nous constatons que ce qui s’applique pour les capitaux financiers semble s’appliquer aussi pour les capitaux humains : ainsi le développement du pro bono, du bénévolat ou du mécénat de compétences, est tributaire de l’émergence d’intermédiaires efficaces et reconnus. 

 Guillaume Meyer 

[1] « The Top givers », Business Week Magazine, 30 novembre 2003 
[2] « Investing in society », Standford Social Innovation Revue, printemps 2004 
[3] SPEAR  
[4] « Investing in society », Standford Social Innovation Revue, printemps 2004 

MécènesCet article a été initialement publié dans Mécènes, le magazine de tous les acteurs du mécénat. Ce trimestriel vous permet d’aborder des sujets de fond, donner des outils pratiques et des exemples inspirants, ouvrir les horizons sur le monde et les multiples partenariats…
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Pour aller plus loin :

Articles du blog sur des sujets proches  : 
– « Introduction à la notion d’Impact social », Muriel Gipouloux 
– « Les nouvelles frontières du financement de l’innovation sociale », Laura Loffler 
Les Social Impact Bonds, Laura Loffler
« Impact investing, initiative temporaire ou marché émergent », Lucile Paisant

Ressources utiles : 
– SPEAR 

 

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