73% des avocats et juristes américains délivrent des services pro bono, alors que seulement 26% de la population américaine est bénévole (ABA, 2009). Si l’éthique de la profession est souvent évoquée pour justifier un tel engagement, les bénéfices que retire l’entreprise des programmes de mécénat de compétences ont joué un rôle moteur dans la mobilisation des cabinets d’avocats et des départements juridiques des grandes entreprises. Dans cet article, nous verrons comment le pro bono est utilisé comme un outil marketing performant dans certains cabinets d’avocats.
A travers la série « Le pro bono, un outil stratégique pour l’entreprise, le cas des grands cabinets d’avocats », Laura Loffler revisite les recherches publiées en 2000 par Esther F. Lardent, Fondatrice et Présidente du Pro Bono Institute, rattaché au Georgetown University Law Center. Dans la même série, lire également : Pro bono et formation professionnelle.
Au sein d’un environnement hautement compétitif, les entreprises se focalisent de plus de plus sur le marketing de leurs services afin de conserver leurs clients et d’en attirer de nouveaux. Elles étendent leur personnel marketing, travaillent avec des entreprises spécialisées en relations publiques et octroient une part substantielle de leurs ressources à la publicité et au développement de leur marque qui leur permet de se différencier.
Dans cette optique, le pro bono peut être un instrument marketing très efficace : Bill Mc Bride du cabinet d’avocats Holland et Knight a noté que chaque dollar que le cabinet dépensait en pro bono générait dix fois sa valeur en bénéficiant d’une bonne presse et d’une plus grande visibilité. Nous développons ci-dessous les raisons pour lesquelles le pro bono est un outil marketing performant.
Une plus grande crédibilité de la publicité
Contrairement aux communiqués de presse, aux brochures et aux spots publicitaires traditionnels, la publicité associée au pro bono risque moins d’être considérée comme intéressée. De plus, dans la plupart des cas, la publicité d’une affaire pro bono est provoquée par un groupe d’intérêt public concerné par l’affaire ou attire un média du fait du problème traité. Dès lors, une telle publicité est perçue comme intrinsèquement plus crédible que des publicités payées par l’entreprise.
Une plus grande visibilité de l’expertise
Les grandes affaires pro bono ou les plus petites affaires à forte dimension humaine sont plus susceptibles de bénéficier d’une couverture média plus étendue. Le cabinet Holland et Knight par exemple a reçu une couverture très favorable pour l’affaire Rosewood par le Wall Street Journal et People. De la même façon, Hogan et Hartson a été souvent diffusé par les media lors de l’affaire des plaintes d’Afro-Américains qui avaient fait l’objet d’une discrimination de la part des restaurants Denny’s. Dans ces deux cas, les entreprises se sont chargées d’affaires complexes et plutôt controversées parce qu’elles estimaient que c’était la chose à faire, et leurs prises en charge réussies ont fait les premières pages. Par ailleurs, les contacts pro bono peuvent devenir, par la suite, des contacts commerciaux stratégiques.
Une meilleure relation client
Un nombre croissant de cabinets d’avocats mènent des opérations pro bono conjointement avec les départements juridiques d’entreprises clientes. Les relations avec ces entreprises clients sont parfois tendues et incertaines. Les partenariats inter-entreprises permettent de dialoguer et d’interagir sur une préoccupation commune en dehors de la sphère purement commerciale, pouvant ainsi mener à des relations personnelles et professionnelles plus étroites. Par ailleurs ces joint ventures permettent aux cabinets d’avocats de montrer indirectement leurs compétences et leurs capacités.
La philanthropie : outil marketing des entreprises d’aujourd’hui ?
De plus en plus de grands groupes considèrent que la responsabilité citoyenne des entreprises ainsi que la RSE stratégique sont des éléments clés de la culture d’entreprise et constituent une pratique commerciale judicieuse. Les grands cabinets d’avocats, en tant qu’employeurs de premier plan, devraient dès lors prendre note de cet intérêt croissant pour les œuvres philanthropiques parmi les entreprises leaders.
Un rapport de 1999 émis par le groupe Cone et par la firme de recherche Roper ont montré que des centaines d’entreprises accordent un montant toujours croissant à des campagnes de générosité. Elles cherchent ainsi à se démarquer de façon positive dans les communautés où elles sont implantées et vendent leurs produits tout en améliorant leur réputation et leur image de marque. Dans une étude auprès des consommateurs, le rapport Cone/Roper montre que les deux-tiers des personnes interrogées seraient prêtes, à produit et prix équivalents, à opter pour une marque ou un détaillant associés à une œuvre charitable et 84% ont affirmé qu’ils avaient une meilleure image des entreprises soutenant une cause qui leur était chère. Dès lors, les entreprises considèrent ces causes comme un engagement de long-terme et comme une part non négligeable de l’identité et de la culture d’entreprise. Le pro bono en fait bien évidemment partie.