Les associations sont actuellement engagées dans un processus de professionnalisation : reconnues comme utiles, elles développent des projets qui s’apparentent à des services publics, et se faisant elle recherchent une gestion optimisée et un service de qualité. Cette professionnalisation participe à la valorisation du rôle des associations dans la société, cependant, on peut percevoir certaines limites à cette professionnalisation.
L’innovation sociale en péril face à la réduction des subventions de fonctionnement
Répondre aux besoins sociaux actuels est un enjeu permanent. Ils évoluent en fonction du territoire, du milieu social ou du public. Les associations sont en innovation permanente pour répondre au mieux à la population et ont un rôle crucial dans leur identification. Sur le terrain, elles ont la capacité d’aller à la rencontre de la population et construire à ses côtés des réponses adaptées à ses besoins.
La hausse des commandes publiques au détriment des subventions devient cependant un frein à cette innovation. En effet, la subvention est un soutien parfois global ou symbolique apporté à un projet associatif jugé utile, tandis qu’une commande publique est la réponse à un besoin spécifique [1]. Les associations répondant aux commandes publiques deviennent alors chargées d’une mission d’ordre public, elles répondent à une demande administrative ou politique, et se referment sur la réponse à ces commandes au détriment de la recherche d’une meilleure réponse aux besoins de la population locale, nuisant ainsi à leur capacité d’innovation. De plus, les petites associations « de membres » possèdent rarement les compétences nécessaires pour prétendre aux commandes publiques [2]. Les subventions de fonctionnement réduisant d’années sur années, ces associations voient leur marge de manœuvre réduire petit à petit et craignent pour leur avenir. Pourtant, la richesse des associations est leur variété de tailles et de fonctionnement et c’est sur leur capacité d’innovation et actions de terrain qu’elles développent une expertise que n’ont ni les pouvoirs publics, ni les entreprises locales.
Conflits de valeur, entre mission sociale et financement
Face à la baisse des soutiens publics, les associations recherchent de nouvelles sources de financement pour assurer leur pérennité. Elles se tournent vers le secteur privé d’une part et développent une activité économique d’autre part. Ces orientations génèrent des conflits autour des valeurs de désintéressement dans l’activité et de dévouement pour la cause, particulièrement dans les associations dites militantes. Le développement de partenariat mal cadré avec des entreprises dans le cadre de la Responsabilité Sociale d’Entreprise peut être accusé d’être un outil de valorisation des entreprises, voire de compensation des actions moins sociales et responsables des entreprises. Ajouté à cela, le développement d’une activité économique fait entrer l’association dans une véritable logique marchande qui s’éloigne alors de la conviction associative initiale. Le secteur associatif, tiraillé entre son action sociale et les moyens pour la financer, risque de se retrouver instrumentalisé par les intérêts des différentes parties prenantes et peut légitimement s’inquiéter des perversions et récupérations possibles.
Une mission, l’intégration de tous
Chargées d’une mission sociale auprès de la société française, nombreuses associations apportent un soutien aux publics défavorisés et œuvrent pour la cohésion sociale. Dans cette logique de mission sociale d’intégration, on en vient à se poser la question de la place des individus de « bonne volonté » dans les initiatives associatives. En effet, comment intégrer des personnes qui ne possèdent ni les connaissances, ni les compétences qui puissent être utiles dans les associations professionnalisées. Car si l’action sociale n’est menée plus que par des professionnels, la place du bénévole, et donc l’intégration de tous les membres qui composent la société, se modifie. Viviane Tchernonog interpelle : « condamné à se professionnaliser, [le modèle associatif] ne doit pas perdre son idéal [3]. »
Le rôle des associations dans la société française est aujourd’hui largement reconnu par le public. Les associations se professionnalisent pour renforcer leur rôle, par choix dans une volonté de s’insérer dans une économie alternative mais pas moins professionnelle, ou par obligation pour maintenir leur dispositif et répondre aux enjeux de financement. Elles ont besoin de soutien pour améliorer leur mission auprès de la société française et répondre aux mieux aux besoins sans cesse en évolution de la population. Car les injustices et inégalités existeront toujours et cela fait partie des missions de nombreuses associations de lutter contre. Il existe différentes formes d’associations, dont certaines appellent à se professionnaliser, mais d’autres non. Il est donc important de comprendre les enjeux et de délimiter le périmètre de cette professionnalisation du monde associatif pour que celui-ci conserve ce qui fait sa richesse.
[1] M. Thépot, « Les associations, un levier d’innovation en péril », La Tribune n°109, novembre 2014
[2] V. Tchernonog, Les associations : entre crise et mutation, ADDES, octobre 2013
[3] Le Livre Militant, Le Cherche-Midi, mai 2014
Domitille Chauvin-Droz, chargée d’accompagnement Rhône-Alpes chez Pro Bono Lab