Daniel Esquelisse, Conciliateur de Justice


le 21 février 2011 dans Bénévolat de compétences, Les tendances, Volontaires - 1 Comment

Daniel Esquelisse est conciliateur de justice depuis septembre 2007. Voici le compte-rendu de son intervention à la conférence organisée par HEC Bénévolat en février 2011.

« A l’heure de la retraite j’ai vu dans cette fonction de conciliateur l’occasion d’une certaine rupture par rapport à ce que j’avais fait jusqu’ici, et j’avais justement envie de faire autre chose. Cette envie d’autre chose était en fait avant tout un désir de servir autrui. Je souhaitais donc faire du bénévolat, mais je ne me sentais pas d’aller visiter des malades ou des prisons…  J’avais remarqué dans mon activité que bien souvent naissaient des conflits et des problèmes sur des incompréhensions d’un côté ou de l’autre, qui auraient pu être évités avec plus de dialogue. J’ai su alors qu’on pouvait être conciliateur de justice, j’ai déposé ma candidature et j’ai été désigné – j’exerce dans le ressort du tribunal d’instance de Saint Germain en Laye.

En tant qu’ancien HEC ayant évolué dans des milieux favorisés, j’avais une préoccupation qui était de sortir de notre univers quelque peu consanguin où nous sommes toujours avec des relations choisies. Moi, j’avais besoin d’avoir de l’imprévu, de rencontrer des gens nouveaux. Comme tous les conciliateurs, je tiens des permanences, et toutes les quarante-cinq minutes il y a quelqu’un qui frappe à ma porte. On tombe toujours sur des gens très différents, ça nous amène à comprendre d’autres modes de raisonnement, d’autres cultures, à se remettre en questions soi-même : c’est très enrichissant. On a aussi la joie de voir des réconciliations quand on a la chance d’aboutir à un accord.

Afin que cela ne soit pas trop prenant, j’ai voulu éviter une alternative que j’avais envisagée avec les tribunaux de commerce qui demandent une implication très lourde. La retraite était aussi pour moi l’occasion de garder du temps pour ma famille et pour ma femme. Cela me prend aujourd’hui en moyenne 2 journées par semaine  En effet, outre 2 matinées hebdomadaires de permanence, après une matinée d’audience il me faut en général une demi-journée de travail pour faire des recherches, préparer des compte-rendus, etc.

Ce que cela nous apporte entre autres, c’est de conserver une capacité d’empathie importante. Nous n’avons pas choisi les gens qui atterrissent dans notre bureau, et pour moi c’est très positif car cela nous évite de tourner en rond entre soi. Nous sommes trop souvent dans des milieux protégés, c’est l’occasion de connaître la vraie vie, comme pouvait l’être le service militaire à l’époque. Cela nous permet de rester confrontés à un monde qui nous est inconnu. J’ai eu la chance dans ma carrière de diriger des cadres, mais aussi des smicards, et ce sont des gens qui ont une richesse intérieure très intéressante, doués de talents alternatifs et parfois inattendus.

En tant que médiateur juridique, on a aucun pouvoir, il n’y a donc pas de question de statut ni de quoi que ce soit de cet ordre là normalement. J’avais le besoin de me rendre utile, de rendre service aux autres et avec 60% de réussite dans mes conciliations, cela me donne ce sentiment.

Mon expérience joue un rôle dans cette réussite : au cours de ma vie professionnelle, j’ai été habitué à la négociation, et je sais me prémunir de l’instrumentalisation qu’on veut parfois nous faire subir. On est parfois confronté au mensonge, il faut alors lire entre les lignes et c’est ce type de  psychologie qu’on peut apprendre dans le travail. J’ai pour habitude d’avoir une approche pragmatique et non pas émotive : il faut savoir ramener les gens aux faits pour pouvoir les analyser.

Il n’y a pas de limite d’âge, c’est à nous de s’apercevoir quand nous devenons  dépassé. Il faut surtout s’arrêter quand on commence à faire ça pour des raisons de statut social, ou essentiellement de reconnaissance, et quand le service n’est plus notre objectif principal. La mort d’une association, la mort d’un projet solidaire, c’est quand ses membres agissent pour eux-mêmes en oubliant qu’ils sont, en tant que bénévoles, avant tout au service de leurs bénéficiaires. »

One Comment on "Daniel Esquelisse, Conciliateur de Justice"
  1. TISSIER 14 janvier 2015 à 17 h 01 min · Répondre

    Très intéressée, Daniel, par ces mots et ton activité sociale de retraité ! Amitiés ! MF

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