Dans un contexte de raréfaction des ressources, les dépenses, dons et investissements, doivent se justifier avec plus de rigueur. Les bailleurs de fonds, les entreprises, les fondations, les pouvoirs publics mais aussi les bénéficiaires et les porteurs de projets ont, chacun de leur côté, à défendre, démontrer, expliquer, légitimer, motiver, vérifier. Par ailleurs, la crise a accéléré le sentiment d’urgence à résoudre les problèmes sociétaux, nombre de mécènes souhaitant voir des changements, un effet positif de leurs actions ici et maintenant. L’impact est sur toutes les lèvres. De nouveaux acteurs et de nouveaux modèles qui font la part belle à l’évaluation et à la mesure d’impact ont émergé.
Ainsi il est une pratique philanthropique qui commence à se répandre, celle de la venture philanthropy. Pour les bailleurs de fonds privés, il s’agit d’un engagement fort vis-à-vis des organisations à profit social. Cet engagement se traduit par un apport en compétences pour permettre la réalisation des objectifs fixés. Dans un dossier consacré au mécénat et au devoir d’efficacité [1], Admical a voulu se pencher sur la manière dont les bailleurs de fonds se mobilisent pour renforcer leur impact, en interrogeant entre autre, l’EVPA et la fondation Alpha Omega. Le premier est un acteur européen, le second est une des fondations pionnières de la VP en France. Tous deux démontrent que le savoir-faire professionnel est une monnaie payante dans la réalisation de projets et une ressource structurante pour le développement pérenne d’une structure.
La venture philanthropy, une approche structurante
La venture philanthropy est une approche spécifique de la solidarité dans la mesure où elle apporte à une association non seulement de l’argent mais aussi – et surtout – des compétences provenant d’horizons divers qui sont mobilisées pour insuffler une dynamique dans l’association et lui permettre d’être plus efficace vis-à-vis de ses bénéficiaires. La venture philanthropy se distingue également par un engagement sur la durée et un financement des structures et non pas des projets. L’idée est d’aider le monde caritatif à se structurer en permettant aux associations de se doter des moyens nécessaires dans les domaines du recrutement, des nouveaux outils de gestion, et des dispositifs de mesure d’impact ; ceci afin de pérenniser leur action et de produire le meilleur retour social sur investissement.
Un engagement sur la durée
Pour ce faire, les mécènes doivent avoir une compréhension bien claire des questions sociales et des acteurs opérant dans le secteur qu’ils souhaitent soutenir car ils peuvent aussi être des partenaires pour l’investissement. Travailler étroitement avec les équipes du partenaire que l’on accompagne est primordial. Le bailleur doit porter une attention particulière à la compréhension de ses aspirations, de ses perspectives et à son langage. Il a également besoin d’investir du temps dans la communication de ses propres objectifs et processus. La fondation AlphaOmega a par exemple mobilisé pendant trois mois McKinsey qui a réfléchi pro bono à l’amélioration de la structure organisationnelle du réseau des Ecoles de la Deuxième Chance (E2C) qui compte 107 établissements. Ils ont aussi fait appel aux partenaires d’Apax, l’entreprise du fondateur, et Mazars s’est engagé pour une mission de conseil pour les E2C.
Pour se développer, la venture philanthropy doit s’appuyer sur des compétences spécifiques, issues du capital investissement et plus généralement du monde de l’entreprise. Il faut également que le mécène parie sur le long terme. Au-delà de la période de due diligence, qui peut atteindre jusqu’à huit mois, il faut être capable d’accompagner les associations dans leur développement et la professionnalisation de leurs structures. La mesure d’impact relève à la fois de la démarche et de la philosophie de gestion d’une structure. Elle génère de fortes contraintes mais l’intervention du mécénat de compétences peut se révéler être un véritable levier de développement
[1] « Mécénat, le devoir d’efficacité en question », Mécènes, n°10, avril-juin 2015.
Laure Chaudey, Directrice de l’Institut Admical, Responsable juridique et relations internationales
Association reconnue d’utilité publique créée en 1979, Admical diffuse la pratique du mécénat auprès des entreprises et des entrepreneurs. Elle rassemble et représente les mécènes auprès des pouvoirs publics et des médias. Ses particularités : œuvrer à une plus grande professionnalisation du mécénat ; être les garants de son éthique.