Les nouvelles opportunités de financement pour le secteur non lucratif

La diversification et l’innovation en matière de financement sont des nécessités prises en compte par le secteur non lucratif. Néanmoins, si de nombreux outils se développent ils restent encore peu connus. Autant de pistes que n’explorent pas, ou peu les organisations non lucratives, la plupart tablant encore trop sur leurs ressources propres (cotisations…), les dons et les subventions publiques. Or, en période de contraction du crédit et des dépenses publiques, trouver de nouvelles sources de financement permet de diminuer les risques et d’obtenir les ressources nécessaires au développement et à la croissance de la structure. Les dispositifs existants étant très nombreux, nous nous concentrerons sur trois d’entre eux qui peuvent répondre à des objectifs et besoins différents des organisations.

Le renouveau des titres associatifs et fondatifs pour diversifier ses ressources

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L’émission de titres associatifs et fondatifs apparaît aujourd’hui comme une opportunité de diversification des sources de financements. L’émission d’emprunts obligataires peut permettre le financement à long terme des associations et fondations en mettant à leur disposition des « quasi-fonds propres » remboursables à l’issue d’un délai minimum de 7 ans. Ce dispositif a été réactualisé par la loi ESS du 31 juillet 2014, mais il ne s’agit pas pour autant d’une innovation puisque ce mécanisme existe depuis 1985 (loi n° 85-698 du 11 juillet 1985). Toutefois, aujourd’hui, le secteur associatif et son environnement semblent avoir atteint une maturité favorable à de telles émissions, ce qui n’était pas vraiment le cas auparavant. En effet, les établissements financiers ont d’ores et déjà identifié la capacité de financement et de remboursement des associations et des fondations, qui sont généralement considérées comme des débiteurs fiables. L’émission de titres associatifs ou fondatifs peut ainsi être pour les banques un moyen de montrer leur implication dans le secteur de l’économie sociale et solidaire. De l’autre côté, les mécènes institutionnels, tels que les fondations ou entreprises, pourront ainsi soutenir des projets tout en maintenant la valeur des titres émis dans leur bilan.

A côté de ce renforcement par des « quasi-fonds propres », il existe d’autres stratégies innovantes et ambitieuses pour lever des fonds : la création d’une société de capitaux  et la création d’un fonds de dotation.

La création d’une société de capitaux pour soutenir une activité existante

Une fondation ou une association peut créer une société pour proposer une prise de participation à son capital à des investisseurs. Une société bénéficiant de l’agrément « entreprise d’utilité sociale » (ou agrément Esus)  notamment pourra bénéficier d’investissements au titre de l’épargne salariale. Prenons l’exemple de SOLIFAP, une société d’investissement pour lutter contre le mal logement. SOLIFAP (Fondation Abbé Pierre Investissements Solidaires), est une société par actions simplifiée (SAS) à capital variable et agréée entreprise d’utilité sociale par la Préfecture de Paris. SOLIFAP a pour vocation de mobiliser, en renfort de l’action de la Fondation Abbé Pierre, des épargnants et des investisseurs solidaires sous forme d’actionnariat, pour permettre de donner de nouveaux moyens à la lutte contre l’exclusion des plus défavorisés.

Plusieurs leviers opérationnels d’investissement complètent ainsi de manière innovante le soutien actuel de la Fondation :
• l’investissement foncier pour acquérir des immeubles et les mettre à disposition des opérateurs associatifs pour réaliser des logements sociaux ;
• l’investissement financier pour renforcer les capitaux permanents et les structures financières des acteurs associatifs ;
• un accompagnement dédié à certaines associations afin de faciliter leur adaptation aux changements stratégiques et organisationnels rendus nécessaires par l’évolution du contexte.

Partant du constat des difficultés que traverse le secteur associatif en proie aujourd’hui à la baisse des subventions des collectivités publiques et de l’Etat, et à la hausse des besoins des publics défavorisés, la Fondation Abbé Pierre a cherché à mettre en place un outil juridique et un modèle économique innovant et complémentaire à son action actuelle. En effet, la Fondation Abbé Pierre est un modèle économique fondé sur les dons, qu’elle reverse sous forme de subventions aux associations. La SOLIFAP quant à elle base son modèle sur l’épargne et les investisseurs solidaires pour le mettre au profit du secteur associatif sous forme d’investissement. D’où la nécessité d’une forme juridique différente.

La création d’un fonds de dotation pour développer des activités complémentaires

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Le fonds de dotation est un outil innovant de financement du  mécénat, créé par l’article 140  de la loi n° 2008-776 du 4 aout 2008 de modernisation de l’économie, qui combine les atouts de l’association loi de 1901 et de la fondation, sur un modèle plus flexible. Doté de la personnalité juridique, le fonds de dotation  est constitué d’une allocation irrévocable de biens pour la réalisation d’une mission ou d’une œuvre d’intérêt général. Il  collecte des fonds d’origine privé, qu’il peut soit constituer en dotation dont il utilise  les fruits, soit consommer pour accomplir sa mission. Il peut mener lui-même cette mission, ou financer un autre organisme d’intérêt général  pour son accomplissement. Les fonds de dotation ont connu un grand succès depuis leur création en août 2008 et il continue à se créer, chaque mois, autant de fonds de dotation que de fondations en un an (entre 20 et 30). Les secteurs d’intervention sont très diversifiés : domaine culturel, artistique, secteur social ou domaine de l’environnement. 

Ainsi, fort de plusieurs années d’actions et d’applications concrètes de l’engagement pro bono, et encouragée par les différents acteurs du secteur dans la défense de la liberté d’association, Pro Bono Lab  a souhaité mettre en place un laboratoire de recherche, lieu de partage de la connaissance sur toutes les formes de solidarités et d’engagements en faveur des initiatives d’intérêt général, et un lieu de sensibilisation et de rencontres des idées. La création du fonds de dotation, dons le lancement a eu lieu le 27 janvier 2015 permettra de développer des activités complémentaires à celles déjà réalisées par Pro Bono Lab. Des mécènes soutiennent les actions de recherche et de diffusion de la connnaissance du fonds, les donateurs et clients font vivre l’association. 

En conclusion, en matière de financement du secteur non lucratif, les possibilités sont nombreuses et encore peu connues et exploitées par de nombreux acteurs. Pourtant cette palette de solutions, même si elle a parfois un coût d’utilisation, peut permettre de coller au plus près des besoins et des objectifs d’un projet social menée par un collectif citoyen, que cela soit en termes de capacité de financement, de gouvernance, ou encore de structuration de l’activité.

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 Sonia Lourenço, Chef de projet chez Pro Bono Lab

 

Sources : 
– Conférence du 22 octobre 2014 forum national des associations : entreprises et OBSL : outils de développement réciproques ? enjeux économiques, juridiques et fiscaux – DELSOL avocats
– Journal d’information de DELSOL Avocats – N°11 – Novembre 2014
– Le portail de l’économie et des finances : http://www.economie.gouv.fr/daj/fonds-dotation

Pour aller plus loin : 
Rendre l’investissement social efficient grâce aux structures intermédiaires  par Guillaume Meyer
Constituer des fonds propres en association : nécessité et difficultés par Emilie Vuillequez
Le modèle économique associatif en pleine mutation par Asta Dembele

 

 

 

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