Ces dernières années, le mécénat de compétences a fait l’objet d’un intérêt croissant de la part des entreprises, mais sa mise en œuvre semble freiner les structures désireuses de s’engager. C’est pour ces deux raisons principales que Pro Bono Lab et Admical ont organisé un colloque autour du mécénat de compétences qui s’est tenu le 4 septembre dernier, au siège du Medef. L’objectif était double : faire connaître davantage le mécénat de compétences par la présentation des résultats de l’étude qu’ils ont mené auprès des entreprises mécènes ou non – Mécénat de compétences : comment engager les actifs ? - et donner des pistes de réflexions opérationnelles aux entreprises qui souhaitent se lancer dans l’aventure.
Pourquoi et comment se lancer dans le mécénat de compétences ?
Lorsque l’on veut faire du mécénat de compétences, il est important de comprendre qu’il n’y a pas une manière unique de le pratiquer et par voie de conséquence, pas de manuel type pour toutes les entreprises. La plupart des entreprises qui ont mis en place le mécénat de compétences l’abordent de manière différente, selon leur fonctionnement et leurs valeurs.
L’approche stratégique par exemple, peut être très différente. Les dirigeants peuvent élaborer un plan stratégique clair et défini en amont, mais aussi mettre en place une stratégie de manière progressive, qui évolue au fil des expériences solidaires vécues par les collaborateurs. Que l’envie de s’engager vienne des dirigeants ou des collaborateurs, la mise en place du mécénat de compétence au sein de la structure doit rassembler les énergies : si le projet émane de la volonté des salariés, il faudra convaincre les dirigeants pour qui ce type de démarche n’est pas toujours une priorité. Si, à l’inverse, le projet part des dirigeants, il faudra faire face aux managers, peu enclins à se priver d’une partie de leur personnel pendant la durée des missions. La clef pour soulever cette difficulté est le résultat manifeste sur la satisfaction au travail et la motivation du salarié, à condition que la mission ait été choisie de manière délibérée et non sous la contrainte.
Les bénéfices apportés par une politique de mécénat de compétences au sein d’une entreprise sont multiples : pour les volontaires et sur le plan personnel, le mécénat de compétences répond de manière innovante au besoin croissant de s’engager dans des actions qui ont du sens c’est-à-dire des actions utiles, qui renforcent la motivation et l’épanouissement personnel. Sur le plan professionnel, il permet de développer ses propres aptitudes au travail, tant sur le plan humain, au travers de missions collectives, que sur le plan technique : gestion de projets, définition d’une stratégie ou encore animation d’équipe. Pour l’entreprise, sur le plan managérial, les bénéfices sont nombreux puisque les actions de mécénat de compétences permettent aux collaborateurs de se connaître et donc de créer de la cohésion d’équipe et une dynamique forte au sein de la structure. « La dimension collective est un des vecteurs intrinsèques de motivation » remarque Anne-Claire Pache professeure de la Chaire philanthropie de l’Essec. Avec le mécénat de compétences, « vous développez des compétences incroyables avec une latitude que vous n’avez pas au sein de l’entreprise » ajoute Denis Bouchard, dirigeant chez EDF. Toutefois, les bénéfices ne sont pas toujours immédiats, ils résultent de la pertinence des choix quant au type de dispositif à mettre en place.
Comment mettre en place ce dispositif et quel type de mission proposer ?
En ce qui concerne les modalités concrètes de mis en place du mécénat de compétences, il n’y a pas non plus de voie toute tracée mais des options plus ou moins adaptées au fonctionnement de l’organisation ainsi qu’à son identité. Une des différences notable touche à l’implication plus ou moins importante des ressources humaines dans la gestion des programmes. Ce choix est fortement lié à celui d’engager ses salariés sur un temps plutôt professionnel ou personnel. Miren Bengoa explique qu’à la fondation Chanel, les volontaires sont mis à disposition des associations sur leur temps de travail. Ce sont donc les RH qui gèrent les programmes : sélection des volontaires en fonction des compétences recherchées par l’association, rédaction de lettres de missions afin de garantir leur bon déroulement, rapports aux supérieurs hiérarchiques, etc. Chez Schneider Electric, une partie du temps peut être offerte par l’entreprise mais il est demandé aux collaborateurs qui partent en mission de poser des jours de congés. Dans ce cas de figure, ce sont donc davantage les volontaires qui gèrent eux mêmes leur engagement : la fondation leur a mis à disposition un site « qui fonctionne un peu comme un Meetic, où les volontaires remplissent leur profil et où l’association met à jour ses besoins afin d’offrir des missions » raconte Patricia Benchenna, directrice des programmes de la fondation. Même si les fondations Chanel et Schneider Electric gèrent les dispositifs de manière différente, elles apportent chacune un soutien important à leurs collaborateurs. Car l’enjeu essentiel est bien l’implication des collaborateurs. L’entreprise doit être en mesure de proposer des offres de mission mobilisatrices pour les salariés tout en répondant aux besoins réels des associations. Mais quels types de mission choisir ? Comment réussir la mission ?
Pour mobiliser le plus de collaborateurs possible, Ericka Cogne, déléguée générale de la fondation Accenture et Bénédicte Gueugnier, directrice de la fondation Financière de l’Echiquier, s’accordent à dire qu’il faut proposer le plus de missions possibles pour mobiliser et répondre aux envies d’un maximum de salariés : « l’engagement doit être à la carte », « les offres doivent être packagées ». Ainsi, idéalement, les missions proposées doivent pouvoir se dérouler autant sur du court terme, avec des ateliers ponctuels par exemple, que sur du long terme, avec des missions longues de type conseil, tutorat ou parrainage. Sur les critères d’une mission réussie, la rencontre entre associations et salariés fait également consensus. En effet, il semblerait que le salarié soit encore plus motivé par la rencontre avec les associations que par l’action elle-même, d’autant plus que les deux mondes sont très différents. Pour que l’échange soit enrichissant des deux côtés, il faut bien préparer la rencontre en amont : l’entreprise devra se renseigner sur l’environnement et les besoins spécifiques de l’association, former ses volontaires à la rencontre, etc. Ce processus de préparation nécessite des compétences spécifiques et surtout du temps. C’est pour cette raison que des structures comme Pro Bono Lab proposent d’accompagner les entreprises et les associations dans cette phase préparatoire mais aussi lors de la rencontre. L’attention portée à la réussite de la mission est importante notamment pour l’amélioration des pratiques. Pour cela, il est fortement conseillé de mettre en place un système d’évaluation.
Comment évaluer l’impact pour les bénéficiaires et les collaborateurs ?
Evaluer l’impact du mécénat de compétences semble indispensable à la valorisation et au renouvellement de l’engagement des parties prenantes. Cependant, pour que la mesure d’impact soit véritablement utile, quelques écueils sont à éviter, par exemple celui de ne pas réfléchir au préalable à ce que l’on veut évaluer, et au pourquoi de l’évaluation. En effet, c’est tout un système qu’il est possible d’évaluer en fonction de chaque partie prenante : mesure t’on les impacts pour le bien commun ? Pour l’association ? Pour le salarié ? Pour l’entreprise ?
Il faut donc au départ faire des choix, qui supposent des approches différentes. Pour l’entreprise, on peut identifier deux logiques principales : une logique personnelle où l’impact évalué portera plutôt sur l’épanouissement personnel, le sentiment d’utilité du salarié, et une logique professionnelle où la mesure d’impact portera davantage sur la cohésion interne, la motivation des salariés, etc. Cependant, il ne s’agit pas de s’enfermer dans des questionnements sans fin mais bien d’en dégager des décision concrètes : par exemple, définir les limites de l’évaluation. Au niveau des modalités, Emilie Vuilllequez, co-fondatrice de Pro Bono Lab, assure que l’information sera d’autant plus fiable si elle est menée auprès de plusieurs parties prenantes de manière croisée afin de permettre à chacun de s’exprimer sur le même sujet et à des moments différents, pour confronter les résultats immédiats et impact à long terme. Si les formes de mécénat de compétences et les manières d’appréhender l’évaluation sont multiples, fixer des objectifs au dispositif de mécénat de compétences et à la démarche d’évaluation semble être un prérequis indispensable à la mise en œuvre d’une politique d’évaluation utile et efficace.
Que ce soit durant sa phase de lancement pour convaincre les salariés ou les dirigeants, ou durant sa mise en place concrète dans le choix et l’aménagement des dispositifs, ou encore dans sa phase d’évaluation en définissant les limites de ce que l’entreprise veut mesurer, le mécénat de compétences conduit manifestement à une réflexion sur le fonctionnement et les valeurs de l’entreprise, finalement, sur son identité. C’est une des raisons principales pour laquelle sa mise en oeuvre représente un enjeu de taille pour l’entreprise. Pourtant, nous l’avons vu et entendu, une fois ces questions essentielles abordées, le mécénat de compétences est réellement porteur d’heureuses promesses pour l’entreprise et ses salariés.
Toute l’équipe de Pro Bono Lab
Pour aller plus loin:
Articles du blog sur des sujets proches :
- Mécénat de compétences : observer en détail pour encourager la pratique, Sarah Digonnet
- L‘évaluation : un enjeu stratégique pour les fondations et fonds de dotation d’entreprises, Aurore Fijalkowski
- De la culture à la solidarité : évolution du mécénat, Muriel Gipouloux
Ressources utiles :
- Le détail des comptes rendus du colloque
- L’infographie du colloque
- Des témoignages d’entreprises mécènes
- Une formation à proposer à votre RH